C’est vrai, les aliments d’aujourd’hui sont moins riches en micronutriments qu’auparavant. Mais ça n’explique pas totalement l’épidémie de carences et de manques qui frappent actuellement nos pays occidentaux !
Il y a un autre facteur déterminant dans cette histoire : la transmission des savoirs traditionnels en matière de préparation et de cuisson ne se fait plus et nous cumulons les erreurs. Des erreurs, qui lorsqu’elles sont mises bout à bout, nous font perdre de précieux nutriments…
Vous allez pouvoir constater par vous-même l’ampleur de ce phénomène en étant le témoin privilégié d’une scène que nous vivons tous quotidiennement, la préparation d’un repas, et plus exactement celui de Stéphane et Mathilde, un couple qui reçoit des amis pour déjeuner. Suivez attentivement le déroulé de cette préparation et essayez de repérer les erreurs commises par les deux hôtes. Croyez-le ou non, il y en a 14, en tout !
Stéphane et Mathilde souhaitent préparer des filets de merlan accompagnés de pommes de terre, d’épinards, de carottes et d’une salade de tomates.
Sur le papier, c’est un plat très riche en micronutriments. On compte en tout 64,3 mg de vitamine C par portion (soit 58 % des apports journaliers recommandés), 249 μg de vitamine B9 (soit 75 % des apports journaliers recommandés), 3,65 mg de vitamine E (soit 22 % des apports journaliers recommandés) et environ 530 mg d’oméga-3 avant préparation.
Pendant ce temps, des épinards "bio" cuisent dans un volume d’eau frémissant : Mathilde les a achetés il y a 3 jours chez le producteur car elle a appris récemment que les épinards en boîte subissaient des pertes vitaminiques importantes. Elle les a conservés bien entendu au réfrigérateur à 4°C pour les préserver au maximum de la chaleur. Elle n’a en revanche pas trouvé de carottes "bio" : elle utilisera donc des carottes surgelées achetées il y a quelques mois.
Mathilde a également acheté des tomates qu’elle souhaite déguster avec une petite vinaigrette. Ces tomates n’ont pas été placées au réfrigérateur mais à température ambiante, dans la coupe de fruits de la cuisine, conformément à ce qu’elle avait lu dans un magazine. Elle les découpera juste avant de passer à table, mais chacun se servira en vinaigrette dans son assiette.
Pendant ce temps, Stéphane s’occupe des filets de merlan qu’il a lui-même pêchés l’été dernier. Un peu plus tôt dans la journée, il avait pris soin de les sortir du congélateur (2 étoiles) pour les faire décongeler en douceur dans le réfrigérateur. Puisqu’ils sont désormais parfaitement décongelés, Stéphane décide de les saisir à la poêle, préalablement chauffée avec une huile de tournesol spécialement adaptée à la cuisson. Il aime qu’une légère croûte se forme sur la peau du poisson. Ensuite, il retourne les filets et poursuit la cuisson à petit feu.
Comme souvent, Stéphane et Mathilde n’ont pas bien accordé leurs violons : le poisson et les épinards sont cuits plusieurs minutes avant que tout soit prêt. Stéphane coupe le feu et couvre la poêle pour garder le poisson au chaud. En attendant, il coupe les tomates en rondelles et les dispose dans un plat.
Lorsqu’enfin tout est cuit, Stéphane dispose les éléments dans les assiettes et ouvre une bouteille de vin blanc.
C’est la première erreur et certainement la plus grosse : c’est dans la peau et dans la chair située juste en périphérie que se trouvent la vitamine C et de nombreux autres micronutriments. C’est le cas des pommes de terre mais aussi de nombreux autres légumes comme les carottes et les navets.
De plus, cette peau exerce un effet de barrière lors de la cuisson en ralentissant la perte des nutriments contenus dans la chair.
Si vous ne supportez vraiment pas la peau, pelez-les absolument après la cuisson.
Si vous l’ôtez par crainte des pesticides, optez pour des légumes issus de l’Agriculture biologique.
Nettoyer les pommes de terre (et tout autre légume) dans l’eau est une véritable catastrophe : cela favorise grandement la dissolution des micronutriments dans l’eau même si cela ne dure que quelques minutes (1) (on peut enregistrer une perte d’environ 20 % de vitamines).
Si les pommes de terre sont sales, un brossage soigneux suivi d’un très bref passage à l’eau froide sera amplement suffisant.
La perte en vitamines dans l’eau de trempage et dans l’eau bouillante dépend de la géométrie du légume : plus le rapport entre son volume et sa surface est élevé, plus les pertes sont grandes. Autrement dit, plus il est taillé en morceaux, moins il saura garder les précieux nutriments qu’il renferme (2)…
Un découpage grossier des pommes de terre peut entraîner entre 30 et 50 % de perte vitaminique supplémentaire !
On ne peut pas y couper : la cuisson est forcément néfaste pour les vitamines car elle accélère leur oxydation et favoriser leur diffusion dans l’ambiance de cuisson. L’objectif est donc de minimiser au maximum ces pertes.
Ce n’est pas vraiment ce qu’a fait Mathilde : la cuisson des légumes à l’eau (et encore plus lorsqu’elle est salée) est celle qui entraîne le plus de pertes : environ 60 % de la vitamine C et 50 % des folates des épinards et des pommes de terre contre seulement 20 à 30 % s’ils sont cuits à la vapeur, à la poêle ou au four.
Et les pertes augmentent avec le volume d’eau utilisé et la durée de la cuisson (3) !
Voilà une erreur sans doute partagée par une grande majorité d’entre nous : acheter tous ses légumes en même temps pour les 3 ou 4 jours à venir. C’est pratique mais les effets sur la teneur en micronutriments sont dramatiques.
Songez qu’au bout de 4 jours, les épinards frais perdent la moitié de leur teneur en vitamine B9 et presque autant en vitamine C. Et cela vaut évidemment pour tous les légumes.
Il faut donc renouer avec cette habitude qu’avaient nos grands-parents, d’acheter des produits de saison frais, plusieurs fois par semaine et idéalement chez le producteur ou sur les marchés.
Mathilde a eu raison de ne pas placer ses tomates dans le réfrigérateur : lorsqu’elle est stockée dans un environnement froid, les gênes permettant le maintien et la création des composés aromatiques cessent de fonctionner (4).
Mais les tomates ne doivent pas pourtant être conservées à la lumière ! Elles contiennent des antioxydants caroténoïdes et de la vitamine E qui y sont très sensibles : il faut donc veiller à couvrir le panier dans lequel elles reposent ou les placer dans un placard.
Attention : les tomates ne sont produites que de mai à septembre en Europe. En dehors de cette période, les tomates sont importées et leur teneur vitaminique est significativement réduite.
En découpant ses tomates à l’avance, Stéphane souhaite gagner du temps. Mais, une fois de plus, ce choix va conduire à une réduction significative des vitamines : la vitamine C et la vitamine B9, en particulier, se trouvent exposés à l’oxygène, ce à quoi elles sont très sensibles.
Si vous ne pouvez pas couper les tomates (ou tout autre fruit et légume) à la dernière minute, mettez-les immédiatement en contact avec une vinaigrette (elle va réduire l’exposition des tomates à l’air libre et augmenter la défense antioxydante) et couvrez-les.
Pour congeler un poisson à la maison, il faut être bien équipé. Un congélateur 2 étoiles (c’est-à-dire assurant des températures atteignant -12°C) ne permet pas de garantir une bonne qualité des produits à court terme comme à long terme. Sa température est trop proche de 0 pour assurer une congélation rapide : de grands cristaux de glace vont se former dans le milieu extracellulaire du poisson et aboutir à de sérieux dégâts cellulaires.
En revanche, lorsque la congélation est rapide (avec un congélateur 4 étoiles permettant d’atteindre -30 °C), les cristaux sont de petite taille, uniformément répartis et les tissus sont beaucoup mieux préservés.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les teneurs en vitamines des aliments continuent de varier lorsqu’ils sont congelés. A une température de -12°C, comme chez Stéphane et Mathilde, les pertes de vitamine C des carottes peuvent s’élever à 25 % au bout d’un an de stockage. Les études montrent que la vitamine B9 est encore plus fragile : il ne suffit que de quelques mois pour voir les taux diminuer par deux.
On ne sait pas précisément depuis combien de temps Stéphane et Mathilde ont acheté leurs carottes, mais ce qui est sûr, c’est qu’elles ont subi un processus de blanchiment avant d’être surgelées. Ce processus détériore immédiatement les vitamines les plus fragiles : environ 50 % de la vitamine C et de la vitamine B9 (5).
Les poissons congelés de Stéphane sont victimes de deux autres phénomènes : l’oxydation des lipides (y compris les précieux oméga-3) qui deviennent rances et néfastes pour la santé, ainsi qu’une agrégation des protéines qui provoquera une exsudation à la décongélation. En réalité, au bout de 6 mois de congélation (et même beaucoup moins dans le cas d’un congélateur 2 étoiles), il ne subsiste plus aucun oméga-3 dans le poisson (6).
Stéphane a commis une 10ème erreur en décongelant son poisson au réfrigérateur. Ce type de décongélation lente forme une couche liquide aqueuse à la surface du poisson qui contribue à maintenir le produit aux alentours de 0°C pendant quelques heures.
Or, à cette température, non seulement les cristaux de glace s’agrandissent, mais en plus, les vitamines auront tendance à migrer dans la couche d’eau liquide et à faciliter le développement de micro-organismes.
Il est donc préférable de décongeler un poisson rapidement. Stéphane aurait dû le décongeler au micro-ondes, dans l’eau bouillante (protégé dans un sachet hermétique) ou le cuire sans le décongeler au préalable.
Stéphane a utilisé une huile de tournesol, certes adaptée à la cuisson, mais dont le rapport oméga-6/oméga-3 équivaut à 1000 alors qu’il devrait se situer idéalement entre 1 et 5.
Il aurait dû plutôt choisir l’huile de colza en raison de son contenu en acides gras monoinsaturés, de son point de fumée élevé (température à laquelle l’huile se détériore et devient néfaste pour la santé) et de son impact positif sur le rapport oméga-3/oméga-6. Et ce d’autant plus, qu’il ne reste pas un milligramme d’oméga-3 dans le poisson.
Des températures très élevées entraînent la formation de molécules (acrylamides, amines hétérocycliques, glucides polyaromatiques…) à l’origine des croûtes brunes qui se forment à la surface des aliments.
Malheureusement, et bien qu’elles soient à l’origine d’un cocktail aromatique très apprécié, ces molécules sont des cancérigènes avérés et leur consommation a un impact négatif sur les pathologies cardiovasculaires et inflammatoires (7-8) …
Le manque d’organisation du couple oblige Stéphane à maintenir le poisson et les épinards au chaud pendant plusieurs minutes. Cette mise en attente continue d’altérer les stocks fragiles de vitamines. La palme revenant tout de même aux cantines et aux cafétérias où les plats sont parfois maintenus au chaud pendant plus d’une heure.
Bien sûr, prendre un verre de vin blanc en mangeant peut être considéré comme un plaisir. Mais cela peut aussi être vu comme une nouvelle erreur : la prise d’alcool entraîne une moins bonne assimilation de la vitamine E et de plusieurs minéraux comme le magnésium, le zinc ou le fer.
Finalement, les 14 erreurs de Stéphane et Mathilde ont entraîné une diminution d’environ 70 % de la vitamine C et de la vitamine B9, de la totalité des oméga-3 tout en les exposant à des produits cancérigènes.
Pour éviter ce gaspillage, ils auraient dû suivre à la lettre les conseils suivants :
Si vous suivez tous ces conseils et que vous consommez plusieurs fruits et légumes par jour, vous avez de grandes chances d’atteindre les apports journaliers optimaux en vitamine C et en folates, les deux vitamines les plus fragiles. Malheureusement, il faut admettre que ce comportement relève plutôt de l’exception…
Nos habitudes et notre mode de vie (manque de temps, préférence pour les supermarchés, importations de matières produites à l’autre bout du monde, plats préparés appertisés, industrialisation de l’agriculture…) généralisent les manques et les déficits en plusieurs micronutriments indispensables comme la vitamine B9 et la vitamine C.
Au point que s’impose progressivement l’idée de fournir à l’ensemble de la population un supplément de vitamine B9, comme on enrichit le lait de vitamine D, ou le sel de fluor. Près de 40 % des femmes enceintes reçoivent déjà une supplémentation de vitamine B9 (9) pour réduire les anomalies du développement des tissus maternels et celui du fœtus.
En 2010, l’EFSA a reconnu l’intérêt des suppléments de vitamine B9 pour optimiser le système immunitaire, la santé mentale, la réduction de la fatigue et le bon fonctionnement général de l’organisme (synthèse et utilisation des protéines, division cellulaire, métabolisme énergétique, etc.) (10).
Références
Une nouvelle génération d’acide folique reconnue sûre et efficace par l’EFSA et la FDA
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