Les Inuits (qu'on appelait autrefois Esquimaux) n'ont quasiment jamais de maladies du cœur.
C'est en cherchant l'explication de ce petit miracle que des chercheurs Danois ont découvert, dans les années 60, les vertus des oméga-3 pour la santé.
Les oméga-3 sont une sorte particulière de graisse. Ils sont bien distincts des graisses que vous trouvez dans le beurre, la viande, l'huile de tournesol et même l'huile d'olive. Les oméga-3 sont surtout présents dans les poissons gras et la chair de mammifères marins, comme le morse et le phoque. Loin de rendre ceux qui en consomment obèses et malades, les oméga-3 protègent le cœur et les artères. D'où la faible incidence des maladies cardiovasculaires chez les Inuits, gros mangeurs de poissons gras et de mammifères marins.
Ces découvertes déclenchèrent une kyrielle d'études pour confirmer l'effet bénéfique des oméga-3 sur la santé. Des scientifiques de l'université de Chiba au Japon se sont aperçus que l'exceptionnelle longévité des habitants de l’archipel d’Okinawa était aussi liée à leur forte consommation d'aliments riches en oméga-3. Les habitants d'Okinawa mangent en effet 250 g de poisson gras par jour, ce qui les protège des maladies cardiaques.
En août 2013, une méta-analyse (compilation de 11 études) publiée dans la revue scientifique
Atherosclerosis Supplements est arrivée à la conclusion que le risque de mourir de crise cardiaque ou de décéder brutalement diminue de 33 % chez les personnes qui prennent des compléments d'oméga-3, par rapport au placebo. Le risque d'infarctus diminue de 25 %, et le risque de décès toutes causes confondues de 11 %. (1)
Les bienfaits des oméga-3 ne se limitent pas au cœur et aux artères
Les oméga-3 sont donc à juste titre considérés comme plus efficaces que les médicaments chimiques contre le risque de maladie cardiovasculaire. Mais leurs bienfaits ne s'arrêtent pas au cœur :
• Ils possèdent des propriétés anti-inflammatoires très utiles contre l'arthrose et les maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn). (2)
• Ils réduisent le risque de dépression. (3)
• Ils préviennent le cancer. (4)
• Ils empêchent la survenue du diabète. (5)
• Ils améliorent la vue. (6)
• Ils rendent les enfants plus intelligents. (7)
• Ils fortifient le squelette. (8)
Il n'est pas nécessaire de se nourrir d'anchois et de sardines
Ces bienfaits en cascade plaident en faveur d'un retour massif à la consommation de poissons gras, ainsi que le pratiquaient traditionnellement les Hollandais (avec le hareng), les Indiens d'Amérique (avec le saumon) et toutes les populations de la méditerranée avec l'anchois et la sardine.
Mais peu de personnes se voient manger plusieurs boîtes de sardines par jour, tous les jours, ou mettre des anchois à chaque repas.
C'est pourquoi s'est développée, depuis 30 ans, la consommation d'oméga-3 sous forme de compléments nutritionnels. Généralement vendus en « softgels », c'est-à-dire des gélules souples, translucides et faciles à avaler, de couleur jaune ou orange clair, ce sont des concentrés d'oméga-3 marins qui permettent d'obtenir chaque jour votre ration quotidienne d'oméga-3, sans bouleverser vos habitudes alimentaires.
Vous n'êtes ainsi pas obligé de mettre du poisson à tous les menus, et vous évitez de vous exposer aux risques liés à une surconsommation de poisson. La pollution actuelle des océans provoque en effet une accumulation de métaux lourds, de dioxines et de PCB dans le poisson qui pose un réel problème sanitaire. Il existe en revanche des softgels d'oméga-3 qui sont soigneusement purifiés pour ne plus contenir la moindre trace de polluants.
Les oméga-3 en grave pénurie mondiale
Tout irait donc pour le mieux s'il suffisait à l'humanité de consommer chaque jour quelques-unes de ces capsules pour obtenir les mêmes bienfaits sur leur santé que les Inuits et les Japonais d'Okinawa.
Très malheureusement, et c'est pourquoi j'ai intitulé cet article «Pénurie mondiale d’Omega 3 ?», la production de ces gélules à l'échelle planétaire
pose des défis insurmontables.
Les principales zones de pêche de poissons gras, qui se trouvent dans le Pacifique sud, au large du Chili et du Pérou, ne peuvent augmenter leur production. La pêche est encadrée par de sévères quotas car les populations de ces petits poissons sont, comme la morue, très vulnérables à la surpêche. Le moindre excès peut provoquer un effondrement de la population, et l'impossibilité de pêcher pendant plusieurs années.
Il est de plus impossible de recourir à l'élevage de poissons gras car, de toute façon, les fermes aquacoles nourrissent les poissons avec des petits poissons (sardines, harengs, anchois, etc.) pêchés en haute mer. Et les poissons d'élevage ne seront riches en oméga-3 que s'ils sont nourris à partir de poissons, plancton et krill riches en oméga-3, dont le stock océanique est limité.
Aujourd'hui, les producteurs d'oméga-3 font donc face à une situation extrêmement tendue, et aucune solution ne se profile pour la surmonter. La production ne pouvant pas être augmentée, toute hausse de la demande provoquerait une dramatique hausse des prix.
Ce qui sauve la situation (pour le moment)
Le seul point "positif", si l'on peut dire, et qui sauve la situation pour le moment, est qu'il n'y a aujourd'hui qu'une infime minorité bien informée de citoyens qui sont assez renseignés sur les oméga-3 pour connaître l'importance cruciale d'en consommer quotidiennement sous forme de compléments alimentaires.
De plus, la contre-communication menée par les gouvernements pour convaincre les populations que les compléments alimentaires sont "mauvais pour la santé" et que les oméga-3 "ne marchent pas" découragent beaucoup de personnes. Une majorité de citoyens, pourtant éduqués, restent convaincus qu'il suffit de "manger un peu de tout" pour rester en bonne santé. Ils ignorent tout de leurs besoins réels en oméga-3 de type DHA et EPA (ceux qu'on trouve dans les poissons gras) et ne mangent pas assez de ces poissons.
Cette ignorance explique très largement que les maladies cardiovasculaires restent aujourd'hui la première cause de décès en Occident, et que la dépression, le diabète et l'ostéoporose soient en train de passer au stade de l'épidémie mondiale, pour le plus grand profit de l'industrie pharmaceutique.
La situation peut basculer à tout instant
Cette situation, amplifiée par la crise économique et financière qui limite le pouvoir d'achat des ménages, a permis donc de stabiliser la demande d'oméga-3. Il s'agit toutefois d'un équilibre instable. Une prise de conscience soudaine des populations occidentales vieillissantes de l'intérêt considérable des oméga-3 pour leur santé pourrait avoir lieu à tout moment. On assisterait alors à un brutal retournement de la situation et à une explosion des prix aux conséquences dramatiques.
En effet, les personnes qui, à ce moment-là, auront depuis des années mangé peu ou pas de poissons gras alimentaires, et qui n'auront jamais pris de compléments d'oméga-3, souffriront d'un risque fortement accru de crise cardiaque, de dépression, de diabète et d'ostéoporose. Mais il n'y aura pour elles aucune autre solution que les fausses promesses des médicaments chimiques "pour le cœur".
Heureusement, l'équilibre dans votre corps en oméga-3 est un équilibre de long terme : une longue période (plusieurs mois) de supplémentation est nécessaire pour compenser une carence mais, réciproquement, le fait d'avoir pendant longtemps reçu assez d'oméga-3 vous permet de vous en passer plus facilement en cas de pénurie, même si cela n'est pas souhaitable.
Et encore une fois, il n'est aujourd'hui pas encore trop tard pour commencer.
Pourquoi les populations occidentales sont particulièrement menacées
Les populations occidentales ne mangent dans leur ensemble presque plus de poissons gras aujourd'hui, mais elles sont également privées de sources végétales d'oméga-3 : huile de lin et huile de colza essentiellement, dont la consommation a énormément régressé depuis 1945.
De plus, les sources végétales d'oméga-3 sont bien moins efficaces que les poissons gras car il s'agit d'une autre sorte d'oméga-3, appelé acide alpha-linolénique (ALA) qui doit être métabolisé par le foie pour former de la DHA et de l'EPA, utiles respectivement pour le système cardiaque et pour le cerveau (dépression). Seule une petite partie d'ALA est réellement transformée par nos organismes, ce qui limite fortement l'efficacité des oméga-3 d'origine végétale.
Enfin, et c'est tout aussi grave, il existe une autre sorte de graisse dans notre alimentation, les oméga-6, qui provoquent des problèmes de santé lorsqu'ils sont en trop fort déséquilibres avec les oméga-3. Or, on trouve des oméga-6 en abondance dans l'huile de maïs et l'huile de tournesol, fortement consommés aujourd'hui. Le ratio oméga-6/oméga-3, qui devrait être de quatre contre un, est bien plus souvent dans les pays industrialisés de vingt contre un, ce qui aggrave encore les problèmes de santé des populations.
Dans ce contexte d'extrême rareté des oméga-3 dans le mode de vie moderne, la moindre supplémentation en oméga-3 provoque déjà une forte amélioration de vos chances de vivre longtemps et sans maladies graves (rappelons en effet que le manque d'oméga-3 augmente aussi le risque de cancer).
Quels oméga-3 choisir ?
Malgré la désastreuse pénurie d'oméga-3 qui se profile, il reste possible jusqu'à présent de se procurer des oméga-3 de haute qualité à des prix qui, sans être bradés, restent malgré tout accessibles, voire très bon marché si l'on considère les bienfaits pour la santé qu'ils procurent.
Je ne peux évidemment pas garantir combien de jours, mois ou années cela va encore durer, mais il est certain que les personnes conscientes du problème aujourd'hui ont un avantage considérable sur leurs contemporains.
Lorsque vous choisissez vos oméga-3, il faut veiller à ne pas prendre une simple huile de poisson ou de saumon, car les véritables molécules d'acides gras oméga-3, qu'on appelle la DHA et l'EPA, ne représentent alors qu'une fraction de la quantité d'huile totale (en général moins de 30 %).
Vous pourriez donc vous retrouver à avaler de nombreuses pilules de façon inutile, car il faut veiller à atteindre 1 gramme par jour de DHA et d'EPA, ce que ne permettent pas, en général, les doses quotidiennes indiquées.
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Références :
(1) http://www.sciencedirect.com/science/journal/15675688
(2) i Giuseppe D, Wallin A, Bottai M, Askling J, Wolk A. Long-term intake of dietary long-chain n-3 polyunsaturated fatty acids and risk of rheumatoid arthritis: a prospective cohort study of women. Ann Rheum Dis. 2013 Aug 12. doi: 10.1136/annrheumdis-2013-203338.
(3) Hibbeln JR. Fish consumption and major depression. Lancet. 1998;351(9110):1213.
(4) Hooper L, Thompson RL, Harrison RA. Risks and benefits of omega 3 fats for mortality, cardiovascular disease, and cancer: systematic review. BMJ. 2006 Apr 1;332(7544):752-60.
(5) Montori VM, Farmer A, Wollan PC, Fish oil supplementation in type 2 diabetes: a quantitative systematic review. Diabetes Care. 2000 Sep;23(9):1407-15.
(6) Chong EW, Kreis AJ, Wong TY. Dietary omega-3 fatty acid and fish intake in the primary prevention of age-related macular degeneration: a systematic review and meta-analysis. Arch Ophthalmol. 2008 Jun;126(6):826-33.
(7) Paul Montgomery, Jennifer R. Burton, Richard P. Sewell, Thees F. Spreckelsen, Alexandra J. Richardson. Low Blood Long Chain Omega-3 Fatty Acids in UK Children Are Associated with Poor Cognitive Performance and Behavior: A Cross-Sectional Analysis from the DOLAB Study. PLoS One 10.1371/journal.pone.0066697. 24 Juin 2013.
(8) MacLean, Mojica, Morton et al. Effects of omega-3 fatty acids on lipids and glycemic control in type II diabetes and the metabolic syndrome and on inflammatory bowel disease, rheumatoid arthritis, renal disease, systemic lupus erythematosus, and osteoporosis. Evid Rep Technol Assess (Summ). 2004(89):1-4.