
Vous vous en souvenez sans doute : lorsque vous étiez petit, vous n’aimiez pas aller dormir. Devoir regagner son lit alors que les grands continuent de profiter de la journée, ça semblait profondément injuste. Et surtout, ça n’avait rien de réjouissant ! Où va-t-on quand on dort ? Que fait-on ? Est-on obligé d’y aller ? Est-on assuré d’en revenir ? A cet âge, ce voyage étrange dans notre monde intérieur a de quoi susciter bien des inquiétudes…
Mais à présent que vous êtes adulte, vous avez sans doute appris à vous accommoder de ces questions sans réponse. A moins que vous fassiez partie de ce groupe de
procrastinateurs du sommeil, toujours plus nombreux, qui représenterait près de 40 % de la population occidentale. Leur particularité ? Comme les enfants, ils rechignent à aller se coucher et repoussent coûte que coûte l’heure d’aller au lit, ignorant délibérément les messages de sommeil envoyés par leur organisme. Pourquoi un comportement aussi puéril ? La communauté scientifique se penche actuellement sur le sujet
1-2, mais si l’on en croit les procrastinateurs, ils veulent continuer à profiter au maximum de leur journée. Ils ont ce sentiment permanent de manquer de temps, au point de vouloir sacrifier une partie de leur temps de sommeil. En réalité, il n’est pas certain que ce comportement soit totalement désiré : de récentes études suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une addiction provoquée par un excès d’excitation, de stimulation et d’information
3.
Le syndrome « encore un épisode et je me couche »
Les personnes qui sont victimes de cet étrange fléau n’ont pas idée à quel point le manque de sommeil chronique qui en résulte est dévastateur pour leur santé. Pour elles, ce comportement conduit simplement à un état de fatigue qu’elles sont prêtes à accepter, mais en réalité c’est la quasi-totalité des fonctions biochimiques et physiologiques de l’organisme qui est profondément altérée : le système immunitaire
4-5 (notamment une baisse des lymphocytes), la protection contre le vieillissement
6, le risque de troubles métaboliques
7 et surtout le bon fonctionnement du cerveau
8.
Cette fonction restauratrice du système nerveux central est probablement la plus importante de tous. A long terme, un sommeil trop court ou un sommeil de faible qualité a toutes les chances d’altérer vos capacités de réflexion et d’apprentissage, votre mémorisation, votre créativité, votre sens de l’analyse et vos décisions
9-10. En clair,
tout ce qui fait que vous êtes vous-même. Et c’est ce qui explique pourquoi on a l’impression que les personnes qui ne dorment pas suffisamment s’éteignent lentement…
L’importance des rêves du sommeil lent
Le sommeil permet de restaurer un nombre incalculable de processus biochimiques et physiologiques (restauration de la synapse dont la plasticité a varié au cours de l’éveil, réparation des tissus endommagés, relâchement des connexions nerveuses), c’est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que les rêves contribuent également à renforcer nos capacités cognitives. Vous avez des doutes ?
Pendant 3 jours de suite, des personnes ont eu pour consigne de jouer plusieurs heures par jour au célèbre jeu Tetris, un puzzle dynamique qui exige de la concentration, de la rapidité et de la dextérité. Des chercheurs ont ensuite réveillé les participants quelques minutes après leur endormissement au cours des 3 nuits correspondantes, et ils leur ont demandé si des images leur étaient apparues en rêve. La plupart des participants ont répondu que oui, qu’
ils avaient rêvé du jeu Tetris. Ils n’ont pas rêvé qu’ils tenaient la manette entre leurs mains ou qu’on leur demandait d’y jouer, mais simplement de pièces du jeu qui pivotent et qui s’emboîtent parfaitement les unes dans les autres
12.
A votre avis pourquoi ? Les rêves entrepris au début du sommeil (au cours des phases N1 et N2 du sommeil léger) n’ont pas de caractère narratif ou émotionnel : ils concernent des éléments et des expériences de la vie courante. Si vous passez votre journée dans les calculs, vous êtes certain de passer une partie de votre nuit dans ces mêmes calculs. Si vous apprenez une nouvelle activité, vous poursuivez votre apprentissage les yeux fermés. Sans même vous en rendre compte ! Autrement dit, en dormant, vous continuez à apprendre et à vous améliorer. L’organisme a trouvé une parade pour exploiter au maximum le temps indispensable à la récupération et à la réparation de nos cellules et de nos systèmes physiologiques.
Le cerveau continue à s’entraîner quand on dort
Une étude est parvenue à montrer cette caractéristique qu’on a longtemps sous-estimé. Pendant plusieurs semaines, des chercheurs ont demandé à des volontaires d’apprendre une activité manuelle (exigeant coordination et dextérité) le soir avant d’aller se coucher. Il s’agit d’une activité qui sollicite certaines zones très spécifiques du cerveau dans le lobe pariétal droit. Les chercheurs ont ensuite enregistré les activités du cerveau pendant leur sommeil lent, et ont constaté que les zones du cerveau sollicitées pendant l’apprentissage s’activaient à nouveau, comme si les participants continuaient à apprendre pendant leur sommeil.
Mais
la suite est encore plus spectaculaire. Les chercheurs ont souhaité comparer les performances des volontaires avant et après le sommeil. Ils ont constaté qu’après 8 heures de sommeil, les personnes s’étaient significativement améliorées, et ils sont même allés plus loin : plus les zones étaient réactivées pendant le sommeil, plus les performances s’amélioraient au réveil. Autrement dit, plus les participants revivent les scènes de leur apprentissage, plus ils se montrent doués à l’exercice.
Pour être tout à fait certain que c’est bien le sommeil qui est responsable de cette amélioration, et non pas simplement les heures d’intervalle qui séparent les deux enregistrements, les chercheurs ont entrepris la même expérience le matin. Des volontaires ont commencé cette nouvelle activité le matin, puis ont été à nouveau sollicité quelques heures après, en plein après-midi. Aucune amélioration n’a été constatée. C’est donc bien le fait de passer une bonne nuit de sommeil qui permet une amélioration des performances, et plus exactement le fait de revivre des scènes du quotidien dans nos rêves.
Ce voyage qui occupe plus d’un tiers de notre existence ne sert donc pas seulement à remettre à neuf nos cellules, nos systèmes de défense et nos différents organes : il nous rend plus performant dans toutes les activités de notre quotidien. Il nous facilite la vie et nous aide à donner le meilleur de nous-même.
Et à ce titre, il mérite bien que vous soyez plus avenant à son égard. Non pas en faisant appel à des somnifères, qui ont des effets catastrophiques sur la qualité du sommeil, mais en suivant des conseils simples et abordables :
- Augmenter votre activité physique quotidienne13.
- Privilégier les aliments riches en tryptophane pour le repas du soir. Il s’agit d’un acide aminé (qu’on retrouve aussi dans le supplément L-Tryptophan) qui favorise l’endormissement14.
- Vous coucher régulièrement à la même heure.
- Eviter les écrans à lumière bleue le soir15. Des études montrent clairement que ces écrans inhibent la sécrétion de la mélatonine, une hormone produite lorsqu’il fait sombre et qui favorise le sommeil. Bonne nouvelle cependant : certains végétaux comme le fenouil ou les graines de lin en contiennent de petites quantités, mais pour profiter pleinement de son effet sur l’endormissement, mieux vaut miser sur un bon supplément de mélatonine16.
- Solliciter des produits doux et naturels comme le Natural Sleep Formula qui contient des extraits de plantes (valériane, houblon, pavot de Californie, rhodiole) présentant un intérêt démontré dans la gestion du sommeil17, ou un mélange qui associe les meilleures huiles essentielles pour favoriser le sommeil18 comme le Relaxing Oil Blend.
Il y a un adage qui dit que « la nuit porte conseil ». En fait, on peut aller bien plus loin que ça : la nuit nous rend meilleur. Et si vous n’êtes pas sur(e) d’être l’un de ces « procrastinateurs du sommeil », vous pouvez le vérifier. C’est sûrement le cas si vous êtes concerné(e) par au moins 2 des propositions suivantes :
- Je me couche toujours plus tard que je l’avais prévu.
- Je me couche tôt seulement lorsque je dois impérativement me lever tôt.
- Je trouve souvent des choses à faire quand vient l’heure d’aller au lit.
- Même lorsque je suis au lit, je trouve le moyen de retarder l’endormissement en lisant mes mails ou surfant sur ma tablette.
- J’aimerais vraiment aller me coucher tôt mais je n’y arrive pas.
Références
1. Floor M Kroese, Catharine Evers, Marieke A Adriaanse, Denise TD de Ridder, Bedtime procrastination: A self-regulation perspective on sleep insufficiency in the general population, Journal of Health Psychology, Vol 21, Issue 5, pp. 853 – 862.
2. Kroese FM, de Ridder DTD, Evers C, et al. (2014) Bedtime procrastination: Introducing a new area of procrastination. Frontiers in Psychology 5: 611
3. Steel P (2007) The nature of procrastination: A metaanalytic and theoretical review of quintessential self-regulatory failure. Psychological Bulletin 133: 65–94.
4. Zielinski MR, Krueger JM. Sleep and innate immunity. Front Biosci (Schol Ed). 2011 Jan 1;3:632-42.
5. Imeri L, Opp MR. How (and why) the immune system makes us sleep. Nat Rev Neurosci. 2009 Mar;10(3):199-210. doi: 10.1038/nrn2576. Epub 2009 Feb 11.
6. June C, Kep Kee Loh, Hui Zheng, Michael W.L. Chee et al. Sleep Duration and Age-Related Changes in Brain Structure and Cognitive Performance. Sleep. 2014 Jul 1;37(7):1171-8. doi: 10.5665/sleep.3832.
7. Eve Van Cauter, Karine Spiegel, Esra Tasali and Rachel Leproulta. Metabolic consequences of sleep and sleep loss. Sleep Med. 2008 Sep; 9(0 1): S23–S28. doi: 10.1016/S1389-9457(08)70013-3
8. Cirelli C. Sleep and synaptic changes. Curr Opin Neurobiol. 2013 Oct; 23(5): 841–846. Published online 2013 Apr 23. doi: 10.1016/j.conb.2013.04.001
9. Gohar A, Adams A, Gertner E, et al. (2009) Working memory capacity is decreased in sleep-deprived internal medicine residents. Journal of Clinical Sleep Medicine 5: 191–197
10. Harrison Y and Horne JA (2000) The impact of sleep deprivation on decision making: A review. Journal of Experimental Psychology: Applied 6: 236–249
11. Erin J. Wamsley, and Robert Stickgold. Memory, Sleep and Dreaming: Experiencing Consolidation. Sleep Med Clin. 2011 Mar 1; 6(1): 97–108.
12. Erin J. Wamsley, Matthew Tucker, Jessica D. Payne, Joseph Benavides and Robert Stickgold. Dreaming of a Learning Task is Associated with Enhanced Sleep-Dependent Memory Consolidation. Curr Biol. 2010 May 11; 20(9): 850–855. Published online 2010 Apr 22. doi: 10.1016/j.cub.2010.03.027
13. Lang C, Kalak N, Brand S, Holsboer-Trachsler E, Pühse U, Gerber M. The relationship between physical activity and sleep from mid adolescence to early adulthood. A systematic review of methodological approaches and meta-analysis. Sleep Med Rev. 2016 Aug;28:32-45. doi: 10.1016/j.smrv.2015.07.004. Epub 2015 Aug 5.
14. Trisha A. Jenkins, Jason C. D. Nguyen, Kate E. Polglaze, and Paul P. Bertrand. Influence of Tryptophan and Serotonin on Mood and Cognition with a Possible Role of the Gut-Brain Axis. Nutrients. 2016 Jan; 8(1): 56. doi: 10.3390/nu8010056
15. Anne-Marie Changa, Daniel Aeschbach, Jeanne F. Duffy, and Charles A. Czeisler, Evening use of light-emitting eReaders negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alertness. 1232–1237 | PNAS | January 27, 2015, vol. 112. http://www.pnas.org/content/112/4/1232.
16. Eduardo Ferracioli-Oda, Ahmad Qawasmi, et Michael H. Bloch, « Meta-Analysis: Melatonin for the Treatment of Primary Sleep Disorders », PloS One 8, no 5 (2013): e63773, doi:10.1371/journal.pone.0063773.
17. Michael Yurcheshen, Martin Seehuus, and Wilfred Pigeon, Updates on Nutraceutical Sleep Therapeutics and Investigational Research, Evid Based Complement Alternat Med. 2015; 2015: 105256. doi: 10.1155/2015/105256.
18. Hwang E, Shin S. The effects of aromatherapy on sleep improvement: a systematic literature review and meta-analysis. J Altern Complement Med. 2015 Feb;21(2):61-8. doi: 10.1089/acm.2014.0113. Epub 2015 Jan 13.