Les progrès spectaculaires de la biologie nourrissent les fantasmes les plus fous sur les moyens d'allonger la vie. L'espérance de vie devrait logiquement continuer de progresser au cours du prochain siècle. Nos enfants célèbreront-ils le deux centième anniversaire que certains leur promettent ? |
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) donne à mon dernier fils, Louis - 23 mois tout juste - une chance sur cinq de fêter le dernier jour de 2 099. C'est une bonne nouvelle pour lui, moins bonne peut-être pour celles et ceux de sa génération condamnés à endurer un siècle durant son caractère de cochon. L'OMS n'a pas de prévision aussi favorable pour son baby-boomer de papa nés entre 1945 et 1970., qui, brocoli vapeur et culture physique aidant, devrait cahin-caha se hisser à l'espérance de vie attribuée à sa génération : 80 ans, guère plus. A moins que A moins que le petit groupe de médecins et d'experts «anti-âge» qui fait depuis le début des années 1990 entendre une voix singulièrement optimiste ait raison. Que l'allongement spectaculaire de la vie soit à une portée d'éprouvette, et que tous puissent en bénéficier. Ces oiseaux de (très) bon augure divergent sur les moyens potentiels d'augmenter la durée de vie. Mais, tous comme Calvin Harley (Geron, Menlo Park, Californie) pensent «qu'il n'est plus impossible de repousser la longévité humaine maximale qui est aujourd'hui de l'ordre de 120 ans.» Revue de détail des promesses anti-âge : |
Les ratés de l'horloge biologique
La durée de vie des organismes qui se reproduisent sexuellement varie d'un facteur supérieur à 1 million, de la levure au séquoia, le record de longévité de Jeanne Calment plaçant l'homme dans le haut de cette échelle. |
Le poids de l'environnement
L'influence de l'environnement est particulièrement spectaculaire chez le séquoia. Il n'est pas rare de trouver des séquoias vieux de plus de 1 000 ans, ce qui donne déjà à rêver. Mais, à basse altitude, leur espérance de vie dépasse rarement 1 500 ans. Les arbres qui poussent plus haut peuvent multiplier par 3 ce chiffre. Certains dépasseraient gaillardement 5 000 ans. L'extrême longévité du séquoia à haute altitude s'explique par le nombre réduit d'insectes prédateurs, et la moindre compétition entre les individus de l'espèce. Le plus surprenant est qu'elle est accidentelle. Elle est due, comme l'a montré le biologiste Ronald Lanner, à l'action d'un oiseau qui ramasse et cache les graines du séquoia bien au-delà de l'altitude à laquelle elles sont d'ordinaire dispersées par les vents. Ainsi, la longévité record d'une espèce vivante est-elle largement due à une modification de son environnement ! (1) |
Manger moins pour vivre plus longtemps ?
Nos ancêtres, 600 000 ans avant J-C, ne dépassaient pas l'âge de 30 ans, et pendant des millénaires, l'espérance de vie moyenne va être contenue en deçà de 40 ans par les épidémies et la malnutrition. A partir du dix-huitième siècle, l'amélioration de l'hygiène et de l'alimentation va tout changer. En 1700 déjà, ces différences environnementales pèsent sur la longévité respective des classes sociales. Une étude conduite à Genève trouve que les bourgeois vivent en moyenne 32 ans, soit 5 ans de plus que la population générale. A l'approche du dix-neuvième siècle, l'espérance de vie est de 47 ans dans la bourgeoisie, et 38 dans la population générale. |
Cette hypothèse a des arguments à faire valoir. Tout d'abord, on sait que la restriction des apports caloriques augmente l'espérance de vie moyenne et maximale chez de nombreuses espèces, dont les rongeurs, et la tendance semble identique chez les primates. |
Malgré tout, les travaux en cours sur la restriction calorique permettront peut-être un jour de bénéficier de ses avantages, sans en supporter les inconvénients. « Tout le monde aime manger », commente George Roth (Institut National du Vieillissement, Baltimore, Maryland) qui conduit une expérience de restriction calorique sur des primates. « Nous travaillons d'arrache-pied sur les mécanismes de restriction calorique, parce que nous aimerions continuer de manger ! » |
Peut-on vivre plus longtemps en prenant des antioxydants ?
Des travaux récents conduits dans le monde entier montrent que les antioxydants peuvent prévenir une grande partie des phénomènes de « corrosion » provoqués par les radicaux libres et les dérivés instables de l'oxygène. « Nous avons besoin d'antioxydants parce que l'oxygène est un poison, et que les antioxydants s'opposent à ses effets toxiques, » (9) explique le Pr Barry Halliwell (King's College, Londres, Royaume-Uni). |
- Les hommes âgés de plus de 40 ans qui consomment peu de fruits et de légumes mais prennent un supplément de bêta-carotène (50 mg tous les 2 jours) ont un risque de cancer de la prostate réduit de 32% par rapport à ceux qui n'en prennent pas ; (17) |
Pièces détachées à volonté.
Le fantasme d'une espérance de vie qui se chiffre en siècles a pris du corps grâce aux progrès vertigineux accomplis depuis deux ans dans le domaine de la culture et de l'utilisation de cellules souches. Les cellules souches sont les réserves cellulaires de l'organisme. Elles-mêmes non spécialisées, elles donnent naissance à des cohortes de cellules qui peuvent migrer sur le lieu d'une lésion, et, sous l'effet de signaux de leur environnement, se différencier pour constituer du tissu conjonctif, de l'os, du tissu nerveux. Au printemps 1999, des chercheurs de la société Osiris (Baltimore, Maryland) ont réussi à obtenir des cellules cartilagineuses, adipeuses et osseuses à partir de cellules souches issues de la moelle osseuse d'un groupe d'adultes. Osiris envisage d'appliquer bientôt ce type de procédure pour remplacer les cellules post-mitotiques, incapables de renouvellement, comme les cellules cardiaques détruites lors d'un infarctus. «Nous serons aussi en mesure de remplacer le tissu musculaire», précise le Dr Daniel Marshak, responsable de la recherche chez Osiris. |
Michael Rose, professeur de biologie de l'évolution de l'université de Californie (Irvine), qui a réussi à doubler l'espérance de vie de mouches drosophiles en sélectionnant, de génération en génération, les individus conçus le plus tard reconnaît que malgré les connaissances fondamentales accumulées sur le vieillissement, aucune intervention anti-âge n'est encore réellement en vue. « Personne n'a rien à proposer. La technologie est inexistante.». Mais Michael Rose, qui se définit lui-même comme un “optimiste,” a probablement une idée derrière la tête. Il a commencé d'analyser les gènes impliquées dans l'allongement remarquable de la vie de ses mouches expérimentales. Ils sont peu nombreux : 100 au maximum sur les 14 000 que compte la drosophile. Rose pense que 3 à 8 de ces 100 gènes sont particulièrement critiques, et il a déjà identifié deux d'entre eux, deux gènes dont l'homme possède l'équivalent. Le premier de ces gènes est celui de la superoxyde dismutase, une enzyme antioxydante. Quant au second, lorsqu'on lui pose la question, il refuse en souriant d'en révéler l'identité. Et finit par avouer qu'il a déposé un brevet pour en exploiter les applications ! |
Références 1 Finch, C.E. : Variations in senescence and longevity include the possibility of negligible senescence. J Gerontol, 1998, 53A : B235-B239. çretour 2 Austad, S. : Why we age. John Wiley, New York (New York, USA), 1997, p. 125. çretour 3 Taub, J. : A cytosolic catalase is needed to extend adult lifespan in C. elegans daf-C and clk-1 mutants. Nature, 1999, 399 : 162-166. çretour 4 Migliaccio, E. : The p66shc adaptor protein controls oxidative stress response and life span in mammals. Nature, 1999, 402 : 309-313. çretour 5 Lee, C.K. : Gene expression of aging and its retardation by caloric restriction. Science, 1999, 285(5432) : 1390-1393. çretour 6 Associated Press : Researchers study centenarians for clues to longevity. 20 avril 1999, Boston, Massachusetts, USA. çretour 7 Frankel, S. : Childhood energy intake and adult mortality from cancer : the Boyd Orr cohort study. BMJ, 1998, 316 : 499-504. çretour 8 Barnett, Y.A. : Effect of dietary intake and lifestyle factors on in vivo mutant frequency at the HPRT gene locus in healthy human subjects. Mutat Res, 1999, 431(2) : 305-315. çretour 9 Halliwell, B. : Antioxidants and human disease : A general introduction. Nutr Rev, 1997, 55(1) : S-44-S49. çretour 10 Paolisso, G. : Oxidative stress and advancing age : results in healthy centenarians. J Am Geriatr Soc, 1998, 46 : 833-838. çretour 11 Perrig, W.J. : The relation between antioxidants and cognitive performance in the old and very old. J Am Geriatr Soc, 1997, 45 : 718-724. çretour 12 Foy, C.J. : Plasma chain-breaking antioxidants in Alzheimer's disease, vascular dementia and Parkinson's disease. Q J Med, 1999, 92 : 39-45. çretour 13 Morris, M.C. : Vitamin E and vitamin C supplement use and risk of incident Alzheimer disease. Alzheimer Dis Assoc Disord, 1998, 12 : 121-126. çretour 14 Sano, M. : A controlled clinical trial of selegiline, alpha-tocopherol or both as treatment for Alzheimer's disease. N Engl J Med, 1997, 336 : 1216-1222. çretour 15 Meydani, S.N. : Vitamin E supplementation enhances cell-mediated immunity in healthy elderly subjects. Am J Clin Nutr, 1990, 52 : 557-563. çretour 16 Chan, J.M. : Supplemental vitamin E intake and prostate cancer risk in a large cohort of men in the United States. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, 1999, 8(10) : 893-899. çretour 17 Cook, N.R. : Beta-carotene supplementation for patients with low baseline levels and decreased risks of total and prostate carcinoma. Cancer, 1999, 86(9) : 1783-1792. çretour 18 Kristal, A.R. : Vitamin and mineral supplement use is associated with reduced risk of prostate cancer. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, 1999, 8(10) : 887-892. çretour 19 Zhang, S. : A prospective study of folate intake and the risk of breast cancer. JAMA, 1999, 281(17) : 1632-1637. çretour 20 Girodon, F. : Impact of trace elements and vitamin supplementation on immunity and infections in institutionalized elderly patients : a randomized controlled trial. MIN. VIT. AOX. geriatric network. Arch Intern Med, 1999, 159(7) : 748-754. çretour 21 Benson, R. et Sacco, R. : Vitamin E may reduce stroke risk. American Academy of Neurology 51st annual meeting, Toronto, Canada, 20 avril 1999. çretour 22 Wilkinson, I.B. : Oral vitamin C reduces arterial stiffness and platelet aggregation in humans. J Cardiovasc Pharmacol, 1999, 34(5) : 690-693. çretour 23 Carson, J.C. : A consideration of some notable aging theories. Exp Gerontol, 1998, 33 : 127-134 |
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