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01-05-2010

Entretien avec le Dr Bruce Ames, PhD.

Dr Ames

« … Je pense que des dommages métaboliques insidieux se produisent, même avec seulement de très faibles déficiences en micronutriments… et qu'ils vont augmenter le risque de cancer, de maladie cardio-vasculaire, de dysfonctionnement cognitif et d'autres maladies associées au vieillissement. »

Dr Bruce Ames, dans sa Théorie du triage


 

Au cours de ses soixante années de carrière, le Dr Ames a publié plus de cinq cent trente articles et s'est constamment classé dans les cent scientifiques les plus cités1. Sa contribution et celle de son laboratoire à notre connaissance du métabolisme et du vieillissement cellulaire sont immenses et continues.
Non content de nous apporter le test Ames (un standard industriel pour identifier les produits chimiques mutagènes) ou de concevoir un traitement pour ralentir les dommages liés à l'âge et restaurer le fonctionnement métabolique (acétyl-L-carnitine + acide alpha-lipoïque), le Dr Ames s'est actuellement donné pour mission d'apporter au monde une bonne compréhension de la dépendance de notre santé à long terme d'une consommation adaptée de micronutriments. Les micronutriments ce sont approximativement quarante vitamines, minéraux et d'autres petites molécules dont l'organisme a besoin pour vivre et qu'il doit se procurer par l'alimentation. Le Dr Ames pense qu'une insuffisance modérée de longue durée en micronutriments, qui est très courante, contribue à des maladies chroniques, comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les dysfonctionnements cognitifs, et au rythme même du vieillissement. Cela fait partie de ce qu'il appelle la théorie du triage et les recherches continues de son groupe semblent confirmer sa validité.
ADNEn résumé, le Dr Ames suggère qu'un mécanisme de triage s'est développé au cours de l'évolution, en réaction à des déficiences intermittentes en micronutriments, de telle sorte que des micronutriments raréfiés sont conservés préférentiellement pour des fonctions indispensables pour la santé à court terme et la reproduction, au détriment de fonctions dépendantes de micronutriments et nécessaires à la santé à long terme. La théorie du triage est cohérente avec la théorie générale évolutionnaire, appelée théorie du soma jetable, fondée sur l'idée que la sélection naturelle favorise la survie à court terme pour la reproduction par rapport à la santé à long terme. Aussi, sans pathologie manifeste pour nous alerter, des déficiences modestes en micronutriments peuvent aboutir à des dommages métaboliques insidieux qui nous préparent pour des maladies chroniques liées au vieillissement plus tard dans la vie.

Nutra News : Comment avez-vous développé votre théorie du triage et comment a-t-elle été accueillie par le monde scientifique ?

Dr Ames : Jim MacGregor, un cytogénéticien, avait réalisé des essais micro-nucléaires sur des globules rouges de souris en colorant l'ADN. Les globules rouges n'auraient pas d'ADN, cela aurait indiqué que les ruptures de chromosomes se produisaient dans leurs cellules précurseur. MacGregor fit une série d'expérimentations en utilisant des radiations, cherchant ce qui influençait la rupture des chromosomes. Un jour, ses souris témoins ont présenté des ruptures de chromosomes. Il a découvert que cela avait été causé par une erreur provoquée par une insuffisance d'acide folique dans le mélange vitaminique. Ainsi, on a trouvé qu'un niveau bas d'acide folique provoquait, comme les radiations, des ruptures chromosomiques.
Il en était à ce point lorsque, en congé sabbatique, il est venu à mon laboratoire. Il a demandé de l'aide pour arriver à comprendre ce qui était arrivé. Nous avons montré que lorsque l'organisme n'a pas assez d'acide folique, il met de l'uracile dans l'ADN, provoquant ainsi des ruptures de brins. Les doubles ruptures de brins dans l'ADN sont les lésions les plus dangereuses provoquées par les radiations. Et donc, une déficience en acide folique a un effet similaire à celui d'une radiation. MacGregor avait également fait le même essai sur du sang humain et trouvé un homme qui présentait pratiquement trente fois plus de ruptures de chromosomes que la dizaine d'autres observés et suivis pendant un an. Jusqu'à ce qu'il tombe par hasard sur le fait qu'une déficience en folates était responsable des ruptures de chromosomes, il n'avait pas été capable d'expliquer pourquoi. Il a recherché chez cet homme une déficience en acide folique et a trouvé un taux très bas. Il lui a donné une forme naturelle d'acide folique et le nombre de ruptures de chromosomes a chuté. Lorsqu'il a arrêté de prendre le supplément d'acide folique ce nombre a commencé à remonter.
vitamine KCe fut une expérience superbe ! Être capable d'établir ainsi une relation de cause à effet sur une personne, simplement comme cela. L'épidémiologie est tellement difficile et ne permet jamais réellement d'établir la causalité, mais là il était possible de tout voir si clairement !
Le niveau d'acide folique de cet homme était vraiment très bas. Donc, j'ai cherché qui, dans la population, présentait ce niveau d'acide folique et il s'agissait de la moitié des pauvres. Cela m'a vraiment choqué. Les déficiences en micronutriments semblent être réellement importantes et comme je suis passionné par la prévention du cancer, j'ai reporté beaucoup de mes recherches sur les micronutriments. Lorsque nous avons mis des cellules humaines dans des cultures pauvres en zinc, en fer, en magnésium, en biotine ou en B6, nous avons observé des dommages sur l'ADN. Cela m'a intrigué. Pourquoi la nature fait?elle cela ? J'ai cherché dans Google tous les micronutriments liés au cancer ou à des dommages sur l'ADN. J'en ai trouvé beaucoup. Ainsi, la plupart des micronutriments testés semblent avoir cet effet. J'ai continué à me demander pourquoi et un jour je l'ai compris - c'est comme le veut la nature !
J'ai réalisé que, tout au long de l'évolution, des animaux ont été privés de micronutriments. Prenez les minéraux, par exemple : il y a des sols riches en fer et des sols pauvres en fer, des sols riches en sélénium et des sols pauvres en sélénium. Ainsi, la nature a clairement fait une sorte de sélection pour les animaux privés de minéraux pour être sûre qu'ils ne meurent pas. Les biologistes évolutionnistes ont déjà trouvé la théorie. Kirkwood2, en Angleterre, a produit toute une littérature sur la théorie du soma jetable - mais personne n'y a pensé en termes de métabolisme. J'ai émis le postulat que lorsque vous manquez de micronutriments, les protéines essentielles à la survie les conservent tandis que celles plus utiles sur le long terme les perdent. Différents mécanismes, tel le fait que des protéines indispensables à la santé à court ou long terme ont différentes constantes de liaison aux micronutriments, peuvent expliquer de quelle façon cela se produit. Le facteur décisif est que, lorsque la survie est en jeu, les fonctions devant prévenir les dommages insidieux qui ne se montreraient pas comme une maladie pendant une décennie ou plus, comme certains types de dommages sur l'ADN, sont abandonnées. Les dommages sur l'ADN pourraient se révéler des cancers dix ans après. Ainsi, lorsqu'il y a le choix entre la survie ou des dommages sur l'ADN, la cellule est programmée pour perdre ses défenses contre les dommages de l'ADN et cela afin de survivre.
Nous savons de quelle quantité de chaque micronutriment particulier nous avons besoin pour ne pas mourir ou être incapables de nous reproduire mais ce que nous ne connaissons pas c'est la quantité de chaque micronutriment dont nous avons besoin pour une vie longue et en bonne santé. Je pense que lorsque vous n'avez pas suffisamment de micronutriments (même une déficience modérée en micronutriment peut engendrer cela) vous vieillissez plus vite. Toutes ces pathologies qui se produisent avec l'âge - cancer, maladie cardiaque, dysfonctionnement cérébral - peuvent être accélérées par une déficience en micronutriment. On sait aussi que des déficiences en micronutriments perturbent le système immunitaire - il y a une vaste littérature sur ce sujet. Par exemple, il y a environ six fonctions travaillant essentiellement avec l'immunité adaptative qui déclinent avec l'âge et ce sont justement ces mêmes fonctions qui sont abandonnées lorsque vous manquez d'un micronutriment.
La plus grande partie de la communauté de la nutrition est concentrée sur la nécessité d'avoir une bonne alimentation équilibrée (ce qui, bien sûr, est important), mais en réalité, la plupart des gens n'ont pas une bonne alimentation équilibrée. Nous nous remplissons de trop de sucre raffiné, d'amidon, de graisse et d'alcool. Dans le monde, la plupart des gens manquent d'un ou de plusieurs micronutriments. On essaie depuis trente ans, avec peu de succès, de faire en sorte que les gens aient une alimentation équilibrée. Donc, je pense qu'il y a sans aucun doute un rôle pour la supplémentation en tant qu'assurance.
J'ai continué à faire de plus en plus de recherches dans la littérature et à trouver des preuves compatibles avec ma théorie du triage, sans la prouver réellement. Nous avons commencé un programme pour tester ma théorie plus directement.
Le Dr Joyce McCann, une de mes collègues, a suggéré de tester la théorie du triage de différentes façons. Elle a sélectionné, afin de les analyser, un petit nombre de micronutriments indispensables au fonctionnement de relativement peu de protéines. De nombreux micronutriments sont nécessaires à de nombreuses protéines et leur analyse compréhensible serait extrêmement complexe. Par exemple, le magnésium est indispensable au fonctionnement de milliers de protéines et la vitamine D régule près de neuf cents gènes. Le Dr McCann a commencé avec la vitamine K et notre article, publié il y a quelques mois, a montré que le meilleur moyen de comprendre la vitamine K est de le faire dans une perspective de triage. Elle est en train d'analyser le sélénium et les résultats sont déjà prometteurs.
La vitamine K (phylloquinone) est utilisée dans la photosynthèse des plantes et vous l'absorbez lorsque vous mangez quelque chose de vert. La vitamine K est le cofacteur d'une carboxylase qui met un groupe carboxyl supplémentaire sur l'acide glutamique dans seize protéines pour créer un acide aminé modifié appelé GLA (acide gammacarboxyglutamate) qui peut se lier efficacement au calcium. Donc, si vous trouvez du GLA dans une protéine, vous savez que la vitamine K a été impliquée dans sa fabrication. Seulement seize protéines sont connues pour contenir du GLA et près de la moitié d'entre elles sont des protéines de coagulation (le K dans vitamine K vient de « Koagulation » en allemand). Une fois ingérée, la phylloquinone va d'abord dans le foie où des facteurs de coagulation ayant besoin de vitamine K sont synthétisés. La phylloquinone est ensuite distribuée dans les tissus périphériques où d'autres protéines dépendantes de la vitamine K (non impliquées dans la coagulation) sont fabriquées. Les facteurs de coagulation dans le foie sont donc les premiers à utiliser la vitamine K.
vitamine KLorsque le Dr McCann a regardé les phénotypes de souris knock-out, elle a trouvé que les facteurs de coagulation étaient létaux embryonnaires (par exemple, des embryons de souris manquant de ces protéines ne pouvaient survivre) mais les knock-out réalisés sur des gènes de protéines dépendantes de la vitamine K synthétisés dans les tissus périphériques, étaient tous non létaux. Les souris ont dans ce cas parfaitement survécu à la petite enfance mais lorsqu'elles ont vieilli, elles ont été affectées de maladies cardio-vasculaires, de cancers, de problèmes osseux, en accord avec la théorie du triage.
Il existe aussi des données provenant d'études sur l'homme qui soutiennent ces observations faites sur les souris knock-out. Par exemple, l'ostéocalcine est l'une de ces protéines et un grand nombre d'études sur l'homme lient une faible consommation de vitamine K et le polymorphisme de l'ostéocalcine à une mauvaise santé des os. Un second exemple est la GLA-protéine matricielle (Mgp). Des souris knock-out Mgp meurent à deux mois avec une calcification des artères. La fonction de la Mgp est d'empêcher le calcium de se calcifier dans les tissus souples. La calcification artérielle est fréquemment associée à l'athérosclérose et peut être exacerbée si la prise de vitamine K est faible mais sans l'être suffisamment pour affecter la coagulation (la vitamine K étant utilisée en premier par les facteurs de coagulation, la prévention de la calcification venant en second lieu). Une grande partie de la population pourrait manquer de vitamine K. Si vous mangez du natto ou du fromage, vous aurez d'autres formes de vitamine K, appelées ménaquinones (MKs) qui, à la différence de la phylloquinone, ne sont pas privilégiées par le foie et sont plus largement distribuées dans tous les tissus. Les personnes qui mangent du natto ont très peu de maladies cardiaques et moins de fractures osseuses. Notre contribution à l'histoire de la vitamine K était théorique pour placer la biologie de la vitamine K dans le contexte de la théorie du triage. Nous n'avons pas fait le travail expérimental sur la vitamine K qui a été réalisé par de remarquables laboratoires comme Schurgers, Vermeer, en Hollande, et Booth, à Boston.
J'espère qu'il sera également démontré que la biologie de la vitamine D est en accord avec la théorie du triage. Les populations des latitudes nord en manquent, particulièrement les personnes à peau sombre. La vitamine D est une hormone appelée calcitriol qui peut réguler jusqu'à neuf cents gènes dont certains sont dans le cerveau. Un des gènes que la vitamine D active est le gène de la Mgp. On a montré qu'une déficience en vitamine D est liée à la calcification des artères. Nous avons besoin d'établir quels nutriments sont indispensables à quelles protéines et de comprendre quels sont ceux qui sont le plus susceptibles d'être déficients. Et c'est ce que nous devrons regarder lorsque nous essaierons d'établir si nous recevons suffisamment de micronutriments qui préservent la vie - nous avons besoin de comprendre ces mécanismes.
L'épidémiologie est diaboliquement difficile et ne peut jamais établir de causalité. Par ailleurs, des essais randomisés contrôlés (ERCs), conduits pendant un très grand nombre d'années, qui tentent de lier la prise de micronutriments à des maladies chroniques, ne seront jamais utiles, pour les raisons déjà exposées.
Mais la théorie du triage nous donne des raisons de penser que nous pouvons maintenant conduire des ERCs sur des périodes plus courtes liant directement des déficiences en micronutriments à des marqueurs biochimiques indicateurs de dommages métaboliques insidieux. Je suis extrêmement enthousiasmé par tout cela parce que je pense que nous allons placer la nutrition sur des bases scientifiques solides et faire beaucoup pour la santé dans le monde.


Nutra News : Est-ce aller trop loin que suggérer que c'est probablement notre mauvaise alimentation plus que les toxines environnementales qui est derrière l'augmentation du cancer ?

Dr Ames : Le cancer est surtout dû au tabagisme et à une mauvaise alimentation et non aux « produits chimiques toxiques ». Je pense que nous nous inquiétons de façon exagérée au sujet des résidus de pesticides. Nous parlons en termes de parties par milliard - ce sont des quantités extrêmement petites. Et je ne pense tout simplement pas que la science ait raison ; cela n'a aucun sens. Nous avons en fait beaucoup travaillé sur cela il y a quelques années avec des tests de cancer sur animaux. Oui, le cancer de l'homme a été causé par des expositions importantes de travailleurs à des produits chimiques industriels, mais des activistes viennent en ville faire peur à tout le monde avec des produits chimiques absorbés en parties par milliard. Mais ils ignorent le fait que la plupart des carcinogènes sont des produits chimiques naturels. 99,9 % des produits chimiques que nous mangeons sont des produits chimiques naturels : chaque plante possède une centaine de produits chimiques naturels pour tuer les insectes et autres prédateurs parce que les plantes ne peuvent pas s'enfuir. Toute l'évolution des plantes est une guerre chimique. Donc, ma collègue, le Dr Lois Gold, et moi-même avons analysé systématiquement la littérature sur les carcinogènes et publié de nombreux articles montrant que la moitié des produits chimiques naturels de notre alimentation évalués dans des tests animaux de cancer se sont révélés positifs. Mais tous les tests de cancer sont conduits en utilisant de très fortes doses appelées Doses maximales tolérées (DMT), juste en dessous de ce qui tue une souris sur le coup. La DMT est administrée dans ces tests de cancer au cours d'une vie. Qu'est-ce que cela vous dit sur la probabilité de cancer à partir d'expositions à notre environnement réel ? Je ne pense pas que cela vous révèle quelque chose d'intéressant.

plante

La moitié des produits chimiques que nous mangeons ainsi que la moitié des produits chimiques testés à la DMT provoquent un cancer chez des rongeurs. Le Dr Gold et moi-même pensons que les tests de cancer positifs chez l'animal sont le résultat de hautes doses artificielles. S'inquiéter des risques des pesticides n'a aucun sens. Les quantités sont simplement trop faibles pour contribuer de façon significative au cancer chez l'homme. En réalité, aujourd'hui personne ne peut manger un repas sans absorber des carcinogènes définis par ces tests à haute dose sur des rongeurs.
Je pense qu'il est probable qu'à côté du tabagisme, de l'obésité et de l'inflammation chronique, la véritable cause importante de cancer est le fait que de nombreuses personnes prennent des quantités de micronutriments inférieures à la dose optimale. Je soupçonne que ce sera un contributeur majeur au cancer, aux maladies cardiaques et aux dysfonctionnements cérébraux. Mais je ne peux pas dire que la majorité de la communauté de la nutrition ait déjà adopté cette idée avec enthousiasme !

Nutra News : Une déficience en micronutriment a pour résultat une réduction de l'activité enzymatique (qui est vitale pour presque toutes les voies métaboliques). Vous avez montré qu'elle peut être corrigée par une forte dose de vitamines B. Les vitamines B sont-elles les seules à restaurer l'activité enzymatique ?

vieillissementDr Ames : J'ai publié un article il y a près de quarante ans sur une forte dose de vitamine B6 corrigeant une faible constante de liaison due à une mutation dans une bactérie. J'allais l'examiner dans la maladie de l'homme mais je n'ai jamais eu le temps de m'en occuper. Ensuite, un étudiant de mon labo a été intéressé par un travail théorique et, au moyen d'internet, a trouvé plus de cinquante maladies génétiques humaines différentes qui ont été guéries par l'administration de fortes doses de vitamines B particulières. Nous avons publié une mise au point en 2002 sur ce sujet. Ainsi, par exemple, si vous avez une mutation sur l'une des quatre transaminases ou sur une enzyme produisant la sérotonine (l'enzyme pyridoxale) alors peut-être avez-vous besoin de plus de vitamine B6 pour qu'elle fonctionne bien. La vitamine B6 a un groupe aldéhyde et réagit avec un groupe amine et est donc utilisée pour la transamination (conversion d'un acide aminé en un autre) ou la décarboxylation d'autres acides aminés, par exemple pour obtenir différents neurotransmetteurs. Elle est utilisée pour des centaines de réactions. Donc, il se trouve qu'avec d'énormes doses de pyridoxamine (la forme de vitamine B6 que vous obtenez par l'alimentation) on peut obtenir des niveaux de la coenzyme (de phosphate de pyridoxal) vingt fois supérieurs à la normale. C'est très au-dessus des apports journaliers recommandés et vous ne voudrez pas faire cela régulièrement. Mais si vous avez une enzyme de B6 défectueuse, avec une mutation résultant d'une faible constante de liaison pour la coenzyme, alors davantage de vitamine B6 pourrait permettre à l'enzyme de fonctionner normalement.
De plus, avec l'âge, les protéines membranaires peuvent se déformer, avec pour résultats de faibles constantes de liaison aux micronutriments. Donc, peut-être qu'avec l'âge vous avez besoin de davantage de vitamines B pour augmenter vos niveaux de coenzymes. Tout cela est de la spéculation. Je ne suis pas en train de dire à qui que ce soit de prendre d'énormes quantités de vitamines B mais c'est sans aucun doute une zone qui mérite plus d'attention de la part de la recherche.

Nutra News : Dans le cas de déficience prolongée en micronutriment, suffit?il d'augmenter sa consommation pour corriger les dommages ?

Dr Ames : Si vous avez eu une alimentation pauvre toute votre vie, les données suggèrent que vous avez probablement un niveau beaucoup plus élevé de dommages sur l'ADN. Donner à quelqu'un le niveau optimal de ce nutriment particulier peut prévenir des dommages ultérieurs mais cela ne peut pas inverser ceux qui existent déjà. D'un autre côté, si c'est quelque chose comme la GLA-protéine matricielle, tout à coup, vous pouvez la faire refonctionner, peut-être que vous pouvez inverser une partie de la calcification de vos vaisseaux sanguins. C'est à voir au cas par cas.

Nutra News : Vous avez suggéré dans d'autres interviews que les RDA officielles pour ces micronutriments pourraient ne pas réellement assurer un fonctionnement optimal. D'après vous, quelle est la dose quotidienne correcte de micronutriments clés pour un adulte en bonne santé ?

Dr Ames : Eh bien, cela va devoir être calculé ; certaines AJR peuvent être trop basses et d'autres trop élevées. Mais je voudrais suggérer que vous vous assuriez de recevoir au moins ce qui est actuellement recommandé, la meilleure supposition des scientifiques de la nutrition sur ce qui est nécessaire. Mais pour placer les AJR sur une base scientifique plus solide, nous devons comprendre de quelle façon l'organisme privilégie certaines protéines par rapport à d'autres et quelles protéines sont nécessaires à la santé à long terme versus à court terme. Nous pouvons actuellement mesurer ces protéines ou les dommages métaboliques - nous pouvons mesurer les dommages sur l'ADN, nous pouvons mesurer les dysfonctionnements du système immunitaire et la calcification des artères. C'est simplement que les gens n'utilisent pas ces critères pour évaluer le statut en micronutriments. J'essaie de les convaincre que le triage est un moyen de l'évaluer.

Nutra News : Dans quelle mesure une consommation appropriée de micronutriment est-elle gouvernée par des facteurs génétiques ou d'âge ?

Dr Ames : Et bien, il est connu que les personnes plus âgées ont tendance à ne pas absorber très bien la vitamine B12. Vous l'obtenez par votre alimentation, mais plus vous vieillissez, moins vous l'absorbez. De même, une peau âgée ne produit pas de vitamine D aussi efficacement qu'une peau jeune. Aussi, il se pourrait bien que nous devions élargir les catégories des RDA au-delà des catégories d'âge et de sexe actuellement utilisées. Par exemple, les Africano-américains ont besoin de six fois plus de soleil que les caucasiens pour produire la même quantité de vitamine D. Des secteurs entiers de la population mondiale sont déficients en vitamine D, particulièrement les personnes à peau sombre qui se sont déplacées dans les latitudes du nord. Même ici, en Californie (où je travaille maintenant dans un hôpital pour enfants), nous avons eu quatre-vingts cas de rachitisme au cours de ces dernières années. Bien sûr, il y a de la vitamine D dans les laits pour bébés, mais il n'y en a pas assez dans le lait maternel et encore moins si ces femmes sont elles-mêmes déficientes en vitamine D, ce qui est probable. 95 % des Africano-américains ont un niveau étonnamment faible de vitamine D. Ils sont pour la plupart intolérants au lactose et ne peuvent donc pas boire de lait qui, ironiquement, est l'aliment le plus couramment enrichi en vitamine D.

Nutra News : Vous avez démontré que l'acétyl-L-carnitine et l'acide alpha-lipoïque peuvent rajeunir des rats âgés tout en améliorant les fonctions cognitives.

Dr Ames : Un scientifique en post-doctorant, Tory Hagen, et moi-même l'avons fait il y a quelques années - nous observions le vieillissement chez des rats. Je devenais de plus en plus intéressé par le vieillissement parce que je m'intéressais à la prévention du cancer. Si nous voulons avoir un impact sur le cancer, nous devons étudier le vieillissement.
mitochondriesIl existait des données dans la littérature sur l'importance des mitochondries dans le vieillissement et nous avons commencé à travailler dessus. Nous avons essayé toutes les fonctions qui diminuent dans des mitochondries vieillissantes chez des rats et cherché des interventions susceptibles de prévenir leur déclin. Nous avons essayé beaucoup de choses. Un groupe, en Italie (Gadaleta et Paradies) avait utilisé de l'acétyl-L-carnitine (la carnitine transporte les acides gras dans les mitochondries et l'acétyl-L-carnitine est l'une de ses principales formes dans le sang) pour améliorer des mitochondries âgées. Les données étaient vraiment bonnes et nous l'avons essayée et cela a restauré trois des quatre fonctions testées chez des rats âgés au niveau de celles de jeunes animaux. L'une des fonctions qui n'ont pas répondu avait une production accrue d'oxydants générés par les mitochondries lorsqu'elles vieillissent (comme un vieux moteur de voiture fabricant de plus en plus de fumée noire et devenant moins efficace avec les années). Ces antioxydants sont tous mutagènes et ils m'intéressaient pour plusieurs raisons. Nous avons essayé plusieurs interventions et trouvé quelques-unes qui fonctionnaient. Lorsque nous avons donné de l'acide L lipoïque combiné à de l'acétyl-L-carnitine, toutes les fonctions que nous regardions qui avaient décliné avec l'âge ont été restaurées. La mitochondrie fabriquait moins d'oxydants et le potentiel de la membrane allait mieux.
Nous avions en fait une fausse idée de la façon dont l'acide lipoïque agissait. Mais Hagen, dans mon labo, a trouvé qu'il augmentait les niveaux du glutathion. Il sait que les enzymes de synthèse du glutathion font partie de celles de phase II. Les pharmacologistes ont trouvé de nombreuses enzymes qui sont induites lorsqu'une personne présente un stress oxydatif et contrôlées par un élément dans l'ADN appelé l'élément de réponse antioxydant (ERA). Après que Hagen a quitté mon labo, il a, avec ses étudiants, montré qu'en fait l'acide alpha-lipoïque n'agit pas comme antioxydant, comme nous l'avions cru précédemment, mais comme un oxydant léger activant ces systèmes de défense. Après tout, c'est beaucoup mieux d'activer vos 250 enzymes de défense et d'augmenter les niveaux de glutathion que de simplement ajouter un petit peu plus de certains antioxydants. Et c'est ce qu'il semble faire.

Nutra News : Avez-vous montré que cette combinaison fonctionne également dans des études sur l'homme ?

Dr Ames : Un essai clinique sur l'hypertension a été couronné de succès. - Juvenon, la marque commerciale de notre mélange d'acétyl-L-carnitine et d'acide lipoïque, a aidé à diminuer la pression sanguine. En ce moment, plusieurs études sur la cognition sont en cours bien que je n'aie pas encore les résultats. Mais certaines personnes qui prennent Juvenon, et elles sont plus de cent mille à être dans ce cas, nous disent qu'elles se sentent en pleine forme après l'avoir pris. Tout le monde ne dit pas cela, je l'ai pris et je n'ai pas senti de différence mais je suis un octogénaire vraiment alerte, je fais de l'exercice et j'ai une bonne alimentation. Mais c'est un truc à long terme, pas forcément quelque chose dont vous devez vous attendre à voir un effet direct immédiatement. Il est évident que c'est anecdotique et que vous ne pouvez le considérer maintenant comme démontré.

Nutra News : Lorsqu'on lit que quelque chose est capable de rajeunir les mitochondries dans le cerveau, on doit se demander si cela pourrait aider dans les troubles cognitifs. Mais est-il trop tôt pour le dire ?

Dr Ames : Juvenon est sûr, un grand nombre de données le montrent, et nous avons été très prudents pour ce qui concerne l'aspect sécurité. Un grand nombre de gens disent que cela les aide vraiment et cela fonctionne sur les rats, sur les souris et sur les chiens. Je suis très optimiste.

 

 

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Références :

1. Bruce Ames bio, site du Centre for Research and Education in Aging, Berkeley.
2. Thomas Kirkwood - Université de Newcastle.

Le Dr Ames est professeur émérite de biochimie et biologie moléculaire, Université de Californie, Berkeley, et actuellement « senior scientist » à l'Institut de recherche de l'hôpital des enfants d'Oakland. Il est membre de la National Academy of Sciences et faisait partie de sa commission sur les sciences de la vie. Il a été membre du bureau des directeurs du National Cancer Institute, du National Cancer Advisory Board, de 1976 à 1982. insuline

Il a reçu de nombreux prix et récompenses : le prix de la fondation General Motors pour la recherche sur le cancer (1983), le prix Tyler de l'environnement (1985), la médaille d'or de l'Institut américain des chimistes (1991), le prix de la fondation Glenn, de la Société gérontologique d'Amérique (1992), le prix de l'institut Lovelace de l'excellence en recherche environnementale pour la santé (1995), le prix Honda de la Fondation Honda, Japon (1996), la médaille de la Ville de Paris (1998), la médaille nationale américaine de la science (1998), le prix de l'institut Linus Pauling pour la recherche en santé (2001), le prix de la Société américaine de microbiologie pour l'ensemble de ses travaux (2001). Ses plus de 530 publications lui valent de figurer parmi les quelque cent scientifiques les plus cités de tous les secteurs. Les recherches du Dr Ames sont centrées sur la prévention des maladies. Il s'intéresse actuellement à l'incidence des déficiences en micronutriments sur la maladie.

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