II - L'INSUFFISANCE CARDIAQUE
A) Intérêt du Coenzyme Q10
Au cours de l'insuffisance cardiaque, les concentrations plasmatique et myocardique de coenzyme Q10 sont réduites. Entre 1985 et 1995, ont été publiées neufs études randomisées en double aveugle et controllées de supplémentation en coenzyme Q10 versus placebo, chez des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère. Dans huit de ces études, des signes d'amélioration des paramètres cliniques, des paramètres hémodynamiques et/ou de la capacité de l'exercice sont apparus au cours de la suplémentation en coenzyme Q10 à la dose de 100 à 200 mg/j pendant 1 à 3 mois. Dans une étude randomisée publiée en 1998, la supplémentation en coenzyme Q10 a réduit le développement de l'angine de poitrine, de l'arythmie et de la dysfonction ventriculaire chez des patients atteints d'un infarctus du myocarde. Entre 1984 et 1991, cinq études randomisées en double aveugle, controllées contre placebo ont testées l'effet du coenzyme Q10 dans l'angine de poitrine. A la dose de 60 à 150 mg/j pendant 4 semaines, la prise de coenzyme Q10 a permis d'améliorer au cours du test d'effort la durée de l'exercice physique, de retarder les signes d'ischémie myocardique à l'électrocardiogramme et l'apparition des symptômes de l'angine de poitrine. Lors de la supplémentation en coenzyme Q10, l'utilisation journalière de trinitrine a été réduite et la fréquence des crise d'angor a été diminuée.
B) Intérêt de la Carnitine
La L-carnitine est un dérivé d'acide aminé essentiel au transport intracellulaire des lipides, au niveau de l'interface sarcoplasme-mitochondrie, en vue de leur oxydation. Elle est synthétisée dans l'organisme à partir de 2 acides aminés essentiels : la lysine et la méthionine. La carnitine est un composé physiologique qui améliore le rôle essentiel de production d'énergie par le myocarde. La carence en carnitine myocardique apparaît pendant l'ischémie, l'infarctus du myocarde aigu et l'arrêt cardiaque. Des études expérimentales ont suggéré que l'administration de carnitine pendant ces épisodes aurait un effet bénéfique sur cette fonction.
L'étude CEDIM Trial (17) a voulu évaluer les effets de l'administration de la L-carnitine sur la dilatation ventriculaire gauche à long terme chez des patients ayant un infarctus du myocarde antérieur récent. Cette étude en double aveugle, contrôlée avec placebo, a été réalisée chez 472 patients ayant un premier épisode d'infarctus du myocarde aigu de moins de 24 heures. 239 patients ont reçu le placebo et 233, la L-carnitine à 12,7 +/- 7,17 heures d'une douleur thoracique typique. Le placebo ou la L-carnitine ont été donnés à la dose de 9 g/jour par voie intraveineuse pendant les 5 premiers jours et à 6 g/jour pendant les 12 mois suivants (par voie orale). Une atténuation significative de la dilatation ventriculaire gauche pendant la première année après l'infarctus du myocarde a été observée chez les patients traités par L-carnitine par rapport à ceux recevant le placebo.
Les effets de la L-carnitine (900 mg/jour) sur la performance physique ont été étudiés chez 12 patients ayant un angor d'effort stable (18). Les tests d'effort ont été enregistrés à la fin de la période placebo (4 semaines) et après 4 à 12 semaines de thérapie par la carnitine. Alors que les 12 patients (10 hommes et 2 femmes d'âge moyen : 56,8 ans) ont eu une douleur thoracique pendant les tests d'effort avec placebo, 2 patients n'ont pas eu cette douleur après le traitement par carnitine. La durée de l'exercice a augmenté significativement après 4 semaines et 12 semaines de traitement par carnitine. La L-carnitine améliore la tolérance à l'exercice chez les patients ayant un angor d'effort.
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III - L'ARYTHMIE
A) Action anti-arythmique des oméga-3
Mc Lennan, en 1993 a démontré que l'EPA et le DHA réduisaient de façon spectaculaire les arythmies et les fibrillations ventriculaires (19). Une étude de l'université de Washington, publiée en 1995, a comparé les effets de la consommation de poisson avec l'incidence des arrêts cardiaques par fibrillation ventriculaire chez des patients coronariens. Il existait une réduction de 50% du risque d'arrêt cardiaque chez les patients consommant au moins un poisson gras par semaine (saumon). La réduction était de 70% chez les patients ayant les taux d'acides gras n-3 intraglobulaires les plus élevés. (20)
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B) Protection des antioxydants (22, 23)
147 volontaires japonais sains âgés de 39 à 56 ans ont reçu de la vitamine E pendant 6 ans. 73 sujets ont reçu 3 mg/j de vitamine E et les 74 autres ont reçu 100 mg/j. La plupart des événements coronariens (infarctus du myocarde, angine de poitrine) et les anomalies électrocardiographiques sont apparus dans le groupe ne recevant que 3 mg/j de vitamine E.
Dans la deuxième étude, 61 patients ayant un infarctus du myocarde en période aigue ont été randomisés pour recevoir une supplémentation en vitamine E et C (600 mg/j de chaque) pendant 14 jours. Le groupe contrôle a présenté des anomalies par rapport au groupe supplémenté qui n'a eu aucune variation de ces indices électrocardiographiques.
À court et à long terme, chez des sujets sains ou chez des sujets ayant un infarctus du myocarde aigu, une supplémentation en vitamine E (> 100 mg) a permis d'observer significativement moins d'anomalies électrocardio-graphiques.
C) Intêret d'autres substances
Une étude de prévention primaire (23) chez des sujets à haut risque cardiovasculaire (HTA, diabète, hypercholestérolémie, tabac, alcool, obésité) a été menée pendant 10 ans chez 374 sujets masculins âgés de 25 à 63 ans. Un groupe de 206 sujets (groupe A) suivait un régime enrichi en magnésium (fruits, légumes verts, céréales, noisettes) apportant 1142 mg/jour de magnésium et les 194 autres, un régime normal apportant 418 mg/jour de magnésium. Les complications dans le groupe A (59, 28,5%) étaient significativement moins élevées par rapport au groupe B (117, 60,3%). Les arrêts cardiaques ont été de 1,5 fois plus nombreux dans le groupe B que dans le groupe A. La mortalité dans le groupe A (10,7%) a été inférieure à celle du groupe B (18%), liée à une incidence plus élevée d'une hypokaliémie, d'une hypomagnésémie et de facteurs de risque coronarien dans le groupe B.
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IV - PROTOCOLES
La prise en charge est d'abord diététique suivant les principes du régime crétois d'après lesquels ont été réalisés le fascicule sur les dix conseils nutritionnels parus dans le numéro de Nutranews d'octobre 1999. Actuellement, seule une modification du régime a permis une réduction de la mortalité cardiovasculaire. Pensez, en particulier à consommer de l'huile de colza ou mieux de l'huile de lin ou de l'huile de chanvre, une cuillère à soupe dans la salade au moins une fois par jour avec de l'huile d'olive. Penser aussi à consommer régulièrement du poisson gras (3 fois par semaine), des fruits de mer, des mollusques et des crustacés. Grignoter des oléagineux (excepté l'arachide) riches en arginine et éviter les produits laitiers sans oublier de consommer des aliments d'origine végétale riches en magnésium et en antioxydants tels les légumes, les fruits, l'ail, l'oignon, les légumineuses et les céréales complètes. On pourra boire 2 verres de vin rouge par jour, une à deux tasse de thé, et de l'eau minéralisée riche en calcium et magnésium et pauvre en sodium (hépar, contrex
).
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A) Protocole de prévention primaire de l'athérosclérose.
* vitamine C : 2 à 3 g/j * vitamine E: 200 UI/j au moins ; * vitamine B9 (acide folique): 500 à 1000 mcg/j ; * vitamine B12 : 250 à 500 mcg/j ; * magnésium : 300 à 600 mg/j, * EPA + DHA : 1 à 3 g/j ; * sélénium : 100 à 200 mcg/j ; * silicium : 20 gouttes de Biosil®/j.
B) Protocole de traitement de l'angine de poitrine et de post-infarctus
* magnésium : 500 à 1000 mg/j ; * sélénium : 800 mcg/j pendant 3 mois puis 200 à 400 mcg/j ; * silicium : 20 gouttes/j ; * coenzyme Q10 : 100 à 300 mg/j ; * vitamine C : 4 à 6 g/j ; * vitamine E : 600 à 1200 UI/j ; * b-carotène : 100 mg/j ; * un complexe de vitamines B par jour; * EPA + DHA : 3 à 6 g/j.
A ce traitement de base, on pourra rajouter en cas d'hyperhomocystéinémie : * triméthylglycine (TMG) 6 g/j ;
en cas d'hypercholestérolémie ; * arginine : 8 à 21 g/j * hexanicotinate d'inositol (niacine) : 1à 3 g/j
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C) Protocole de traitement de l'insuffisance cardiaque et de l'hypertension
En cas d'insuffisance cardiaque et d'hypertension artérielle, le respect du régime est important, il sera préférable de remplacer le chlorure de sodium (sel de table) par du chlorure de potassium (sel potassique) et les aliments salés seront évités, notamment les biscuits et les oléagineux, les fruits de mer, les patisseries et les charcuteries. On évitera aussi la prise d'inhibiteur de la synthèse des prostaglandines (anti inflammatoires non stéroïdiens et aspirine > 100 mg/j).
Le protocole de supplémentation est le suivant :
* potassium : 1 à 2 g/j : * calcium : 2000 à 2500 mg/j si hypertension * magnésium : 600 à 1000 mg/j ; * sélénium : 800 mcg/j pendant 3 mois puis 200 à 400 mcg/j ; * silicium : 20 à 40 gouttes/j : * coenzyme Q10 : 100 à 300 mg/j ; * vitamine C : 2 à 3 g/j ; * vitamine E : 600 à 1200 UI/j; * carnitine : 6 à 9 g/j ; * EPA + DHA : 1 à 3 g/j.
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D) Protocole de traitement de l'arythmie
En cas d'arythmie, il faut vérifier la kaliémie et la cuprémie, le calcium ionisé et le magnésium ionisé plasmatiques. On évitera le café et les autres excitants, on ne prendra pas de tyrosine ni de phénylalanine, ni d'agoniste cathécolaminergique, ni d'aspartate, ni plus de 30 mg/j de zinc.
Le protocole de supplémentation est le suivant :
* magnésium : 600 à 1000 mg/j ; * sélénium : 100 à 200 mcg/j ; * silicium : 20 gouttes/j : * vitamine C : 2 à 3 g/j ; * vitamine E : 600 à 1200 UI/j ; * EPA + DHA : 1 à 3 g/j ; * taurine : 500 mg à 2 g/j. * coenzyme Q10 : 100 à 200 mg/j
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V - CONCLUSION
Les deux thérapies nutritionnelles qui ont permis une réduction de la mortalité cardiovasculaire sont la pratique du «régime crétois» et la magnésothérapie (1200 mg/j en moyenne alimentation comprise). Les autres supplémentations ont permis de réduire la morbidité cardiovasculaire. On mesure ici toute l'importance d'une prise en charge efficace et à long terme des habitudes alimentaires sur la mortalité et en particulier la consommation d'aliments végétaux et d'origine marine riches en minéraux, antioxydants et en oméga-3. La supplémentation sera d'autant plus efficace que l'alimentation est adéquate. Le magnésium, la vitamine E, le coenzyme Q10 et les oméga-3 sont les piliers de la supplémentation nutritionnelle dans les pathologies cardiovasculaires.
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RÉFÉRENCES
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