L'artémisine est utilisée avec succès, seule ou associée à d'autres antipaludéens, pour soigner le paludisme. Des recherches effectuées par des scientifiques américains suggèrent qu'elle pourrait également combattre les cellules cancéreuses. |
L'artémisine est extraite des feuilles de l'armoise annuelle (Artemisia annua), une plante de la famille des ambroisies. On la trouve en abondance dans le sud de la Chine et elle est également cultivée dans certains pays africains. L'Artemisia annua est utilisée depuis des milliers d'années par la médecine traditionnelle chinoise pour traiter la fièvre et le paludisme. Son principe actif, l'artémisine, a été isolé par des chercheurs chinois, dans les années 1970. Les préparations aqueuses d'Artemisia annua séchées figurent dans la pharmacopée de la République populaire de Chine pour le traitement de la malaria et de la fièvre. |
L'histoire de l'usage médicinal de l'Artemisia annua remonte à la nuit des temps et commence en 340 (après J.C.) lorsqu'un scribe taoïste rédige un Manuel de traitements d'urgence donnant la recette d'une infusion à base de cette plante pour combattre la fièvre. Quelque douze siècles plus tard, un médecin naturaliste et pharmacologue, Li Shizen, comprend que ce remède peut être utilisé contre les symptômes du paludisme et l'inclut dans un recueil qui fera date dans l'histoire de la médecine chinoise : «Les données générales sur les plantes médicinales». |
Un traitement du paludisme
L'histoire contemporaine de l'artémisine commence pendant la guerre du Vietnam lorsque l'armée nord-vietnamienne construit tout un réseau de souterrains. Comme ces tunnels récupéraient toute l'eau de pluie, les moustiques transporteurs du paludisme se reproduisaient dans l'eau stagnante. Le problème prit une telle ampleur, que l'armée nord-vietnamienne a perdu plus de soldats par le paludisme que par les armes. Les Nord-vietnamiens se sont alors tournés vers la Chine pour essayer de trouver une solution. |
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Ils ont ensuite constaté que l'artémisine était efficace contre toutes les variétés de parasites du paludisme et, plus important encore, que son action thérapeutique était extrêmement rapide. Dans une étude clinique, l'artémisine a détruit, chez des patients, 95 % des parasites du paludisme en 20 heures. La fièvre accompagnant l'infection a disparu en 8 heures. De surcroît, il n'y a pas eu d'effet secondaire. Dans une autre étude clinique, au Vietnam, portant sur 638 patients atteints de paludisme, l'artémisine a éliminé 98 % des parasites de la malaria en 24 heures sans effet secondaire significatif. Le parasite est réapparu chez 10 à 23 % des sujets qui ont pris de l'artémisine pendant cinq à dix jours. Il se pourrait que la réapparition de la maladie soit plutôt due à une nouvelle infection qu'à une résurgence de la première. |
Une affinité particulière pour le fer
En 1993, des chercheurs de l'université du Michigan ont découvert le mécanisme d'action de l'artémisine. Le paludisme est transmis à l'homme par la piqûre d'un moustique femelle, du genre Anophèles (principalement Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax), elle-même infectée après avoir piqué un homme impaludé. L'anophèle femelle injecte à l'homme le parasite sous forme de « sporozoïte » qui migre rapidement vers le foie à travers la circulation sanguine. Il pénètre dans la cellule hépatique où il se divise très activement pour donner naissance, en quelques jours, à des dizaines de milliers de parasites : les «mérozoïtes». La cellule du foie éclate en libérant ces parasites dans le sang. Là, ils pénètrent à l'intérieur des globules rouges et se multiplient. |
L'hémoglobine contient de grandes quantités de fer libre. Les chercheurs américains ont constaté que le parasite survit chez son hôte en consommant près de 25 % de l'hémoglobine de ses globules rouges. Cependant, il ne métabolise pas l'hème de l'hémoglobine (l'hème est formé d'une structure aromatique et d'un atome de fer). Au lieu de cela, il stocke le fer sous la forme d'un polymère appelé hémozoïne. |
Artémisine et cancer
Cette réaction de l'artémisine avec le fer a attiré l'attention d'une équipe de chercheurs de l'université de Washington, à Seattle. Les cellules cancéreuses, tout comme le font les parasites du paludisme, recueillent et stockent le fer dont elles ont besoin pour se reproduire et se diviser. Cela a pour conséquence, que les cellules cancéreuses ont une concentration en fer beaucoup plus élevée que des cellules normales. |
De précédentes recherches portant sur des cellules leucémiques ont donné des résultats encore plus marquants. Elles ont été éliminées en seulement huit heures. La concentration en fer des cellules leucémiques pourrait expliquer ces résultats. Elles peuvent, en effet, avoir une concentration en fer 1 000 fois plus élevée que des cellules normales. |
Dans des travaux récents, l'artémisine a été liée de façon covalente à la transferrine, une glycoprotéine transportant le fer dans le plasma. La transferrine est transportée dans les cellules à travers des récepteurs induits par endocytose. Les cellules cancéreuses expriment beaucoup plus de récepteurs à transferrine à leur surface et absorbent davantage de transferrine qu'une cellule normale. Compte tenu de cela, des chercheurs ont émis l'hypothèse qu'en collant l'artémisine à la transferrine, l'artémisine et le fer seraient transportés ensemble à l'intérieur de la cellule cancéreuse. Une fois à l'intérieur, le fer est libéré et peut aussitôt réagir avec l'artémisine toute proche, puisque collée à la transferrine. Cela devrait renforcer la toxicité et la sélectivité de l'artémisine à l'égard des cellules cancéreuses. Les résultats ont effectivement montré que l'artémisine collée à l'holotransferrine tuaient les cellules cancéreuses de façon plus puissante et plus sélective que l'artémisine seule. |
Une incompatibilité avec l'action des antioxydants
La supplémentation en antioxydants pourrait être contre-indiquée pendant la prise d'artémisine. En effet, exerçant son activité dans l'organisme en créant des radicaux libres qui interagissent avec le fer dans la cellule cancéreuse, toute substance protégeant des dommages radicalaires pourrait contrarier son efficacité. |
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