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01-06-2005

L'artémisine, une arme contre le parasite du paludisme et les cellules cancéreuses

L'artémisine est utilisée avec succès, seule ou associée à d'autres antipaludéens, pour soigner le paludisme. Des recherches effectuées par des scientifiques américains suggèrent qu'elle pourrait également combattre les cellules cancéreuses.

L'artémisine est extraite des feuilles de l'armoise annuelle (Artemisia annua), une plante de la famille des ambroisies. On la trouve en abondance dans le sud de la Chine et elle est également cultivée dans certains pays africains. L'Artemisia annua est utilisée depuis des milliers d'années par la médecine traditionnelle chinoise pour traiter la fièvre et le paludisme. Son principe actif, l'artémisine, a été isolé par des chercheurs chinois, dans les années 1970. Les préparations aqueuses d'Artemisia annua séchées figurent dans la pharmacopée de la République populaire de Chine pour le traitement de la malaria et de la fièvre.

L'histoire de l'usage médicinal de l'Artemisia annua remonte à la nuit des temps et commence en 340 (après J.C.) lorsqu'un scribe taoïste rédige un Manuel de traitements d'urgence donnant la recette d'une infusion à base de cette plante pour combattre la fièvre. Quelque douze siècles plus tard, un médecin naturaliste et pharmacologue, Li Shizen, comprend que ce remède peut être utilisé contre les symptômes du paludisme et l'inclut dans un recueil qui fera date dans l'histoire de la médecine chinoise : «Les données générales sur les plantes médicinales».

Un traitement du paludisme

L'histoire contemporaine de l'artémisine commence pendant la guerre du Vietnam lorsque l'armée nord-vietnamienne construit tout un réseau de souterrains. Comme ces tunnels récupéraient toute l'eau de pluie, les moustiques transporteurs du paludisme se reproduisaient dans l'eau stagnante. Le problème prit une telle ampleur, que l'armée nord-vietnamienne a perdu plus de soldats par le paludisme que par les armes. Les Nord-vietnamiens se sont alors tournés vers la Chine pour essayer de trouver une solution.

En 1965, des chercheurs militaires chinois avaient regardé les remèdes traditionnels à base de plantes pour essayer d'en trouver un d'efficace contre la variété de paludisme endémique au Vietnam. Ils ont assez rapidement trouvé l'armoise annuelle, dans une région de Chine peu touchée par cette maladie. Ils ont observé, qu'au premier symptôme de paludisme, les habitants de cette région buvaient une décoction d'Artemisia annua. Cette plante était utilisée dans le traitement d'une grande variété de maladies en Chine depuis plus de deux millénaires. Généralement administrée sous forme de thé, elle n'avait pas d'effet secondaire visible et semblait très efficace.

En 1972, les chercheurs chinois ont isolé dans la plante un principe actif, l'artémisine et ont mis au point un procédé d'extraction simple.

Ils ont ensuite constaté que l'artémisine était efficace contre toutes les variétés de parasites du paludisme et, plus important encore, que son action thérapeutique était extrêmement rapide. Dans une étude clinique, l'artémisine a détruit, chez des patients, 95 % des parasites du paludisme en 20 heures. La fièvre accompagnant l'infection a disparu en 8 heures. De surcroît, il n'y a pas eu d'effet secondaire. Dans une autre étude clinique, au Vietnam, portant sur 638 patients atteints de paludisme, l'artémisine a éliminé 98 % des parasites de la malaria en 24 heures sans effet secondaire significatif. Le parasite est réapparu chez 10 à 23 % des sujets qui ont pris de l'artémisine pendant cinq à dix jours. Il se pourrait que la réapparition de la maladie soit plutôt due à une nouvelle infection qu'à une résurgence de la première.

D'autres études sont venues confirmer l'efficacité et la rapidité d'action de l'artémisine, particulièrement importantes pour le traitement des très jeunes enfants qui représentent 90 % de l'ensemble des décès dus au paludisme.

Au cours de ces vingt dernières années, la sécurité et l'efficacité contre le paludisme de l'artémisine et de ses dérivés semi-synthétiques, arthemether et artesunate ont été établies. En particulier, une équipe du collège de médecine traditionnelle chinoise de Guangzhou a réalisé plusieurs études cliniques qui ont impliqué au total 2 352 patients. Elles ont testé l'artémisine en suppositoires, artesunate (par voie orale ou parentérale), arthemether en intramusculaires et des comprimés de dihydroartémisine. Toutes ces préparations ont démontré leur efficacité rapide et ont été bien supportées.

L'artémisine est donc rapidement devenu un traitement clé du paludisme. Sa popularité s'est particulièrement développée dans le sud-est asiatique et l'Afrique où la maladie est devenue résistante à presque tous les autres antipaludéens y compris la chloroquine, la quinine, la méfloquine ou le Fansidar. Pour le moment, la maladie n'a pas développé de résistance à l'artémisine. Cependant, la monothérapie avec l'artémisine donnant un taux assez élevé de résurgence de la maladie et de sérieuses inquiétudes quant au développement d'une possible résistance, l'organisation mondiale de la santé recommande de l'utiliser en association avec d'autres antipaludéens efficaces.

Une affinité particulière pour le fer

En 1993, des chercheurs de l'université du Michigan ont découvert le mécanisme d'action de l'artémisine. Le paludisme est transmis à l'homme par la piqûre d'un moustique femelle, du genre Anophèles (principalement Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax), elle-même infectée après avoir piqué un homme impaludé. L'anophèle femelle injecte à l'homme le parasite sous forme de « sporozoïte » qui migre rapidement vers le foie à travers la circulation sanguine. Il pénètre dans la cellule hépatique où il se divise très activement pour donner naissance, en quelques jours, à des dizaines de milliers de parasites : les «mérozoïtes». La cellule du foie éclate en libérant ces parasites dans le sang. Là, ils pénètrent à l'intérieur des globules rouges et se multiplient.


L'hémoglobine contient de grandes quantités de fer libre. Les chercheurs américains ont constaté que le parasite survit chez son hôte en consommant près de 25 % de l'hémoglobine de ses globules rouges. Cependant, il ne métabolise pas l'hème de l'hémoglobine (l'hème est formé d'une structure aromatique et d'un atome de fer). Au lieu de cela, il stocke le fer sous la forme d'un polymère appelé hémozoïne.
L'artémisine est une lactone sesquiterpénique portant un groupe peroxyde qui semble être la clé de son efficacité contre le parasite du paludisme. La molécule de peroxyde de l'artémisine réagit avec le fer des globules rouges pour créer des radicaux libres qui, à leur tour, détruisent les membranes du parasite et le tue.

Artémisine et cancer

Cette réaction de l'artémisine avec le fer a attiré l'attention d'une équipe de chercheurs de l'université de Washington, à Seattle. Les cellules cancéreuses, tout comme le font les parasites du paludisme, recueillent et stockent le fer dont elles ont besoin pour se reproduire et se diviser. Cela a pour conséquence, que les cellules cancéreuses ont une concentration en fer beaucoup plus élevée que des cellules normales.
Le Dr Henry Lai a examiné pendant sept ans le potentiel de l'artémisine dans le traitement de différents types de cancer et a obtenu des résultats prometteurs. Il a étudié l'effet combiné de dihydroartemisine (un analogue de l'artémisine avec une meilleure solubilité dans l'eau) et d'holotransferrine, in vitro, sur des cellules humaine de cancer du sein et l'a comparé à la réponse de cellules humaines du sein normales. Après incubation avec l'holoferrine -qui augmente la concentration en ion ferreux des cellules cancéreuse- la dihydroartémisine a détruit efficacement les cellules cancéreuses de sein résistantes aux radiations. Après huit heures, il ne restait plus que 25 % des cellules cancéreuses et après seize heures, elles étaient presque toutes mortes. Cette combinaison a par contre eu très peu d'effet sur les cellules saines.

De précédentes recherches portant sur des cellules leucémiques ont donné des résultats encore plus marquants. Elles ont été éliminées en seulement huit heures. La concentration en fer des cellules leucémiques pourrait expliquer ces résultats. Elles peuvent, en effet, avoir une concentration en fer 1 000 fois plus élevée que des cellules normales.
L'activité anticancéreuse de l'artémisine a été également testée contre 55 lignées cellulaires cancéreuses au National Cancer Institute des États-Unis. L'artémisine était plus active contre les lignées de cellules de leucémie et de cancer du côlon. Plus prometteur encore, la forte activité de l'artémisine contre des lignées de leucémie résistantes aux médicaments. D'autres lignées de cellules cancéreuses indiquant une certaine réaction à l'activité de l'artémisine incluaient le mélanome, les cancers du sein, de la prostate, des reins et du système nerveux central comme le glioblastome et le neuroblastome.

Dans des travaux récents, l'artémisine a été liée de façon covalente à la transferrine, une glycoprotéine transportant le fer dans le plasma. La transferrine est transportée dans les cellules à travers des récepteurs induits par endocytose. Les cellules cancéreuses expriment beaucoup plus de récepteurs à transferrine à leur surface et absorbent davantage de transferrine qu'une cellule normale. Compte tenu de cela, des chercheurs ont émis l'hypothèse qu'en collant l'artémisine à la transferrine, l'artémisine et le fer seraient transportés ensemble à l'intérieur de la cellule cancéreuse. Une fois à l'intérieur, le fer est libéré et peut aussitôt réagir avec l'artémisine toute proche, puisque collée à la transferrine. Cela devrait renforcer la toxicité et la sélectivité de l'artémisine à l'égard des cellules cancéreuses. Les résultats ont effectivement montré que l'artémisine collée à l'holotransferrine tuaient les cellules cancéreuses de façon plus puissante et plus sélective que l'artémisine seule.

Une incompatibilité avec l'action des antioxydants

La supplémentation en antioxydants pourrait être contre-indiquée pendant la prise d'artémisine. En effet, exerçant son activité dans l'organisme en créant des radicaux libres qui interagissent avec le fer dans la cellule cancéreuse, toute substance protégeant des dommages radicalaires pourrait contrarier son efficacité.


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