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01-01-2006

Entretien avec le Pr Imre Zs.-Nagy

Département de Gériatrie, 3e clinique médicale, université de Debrecen, Centre de recherche médicale et de santé, POB 50, Debrecen, Hongrie.

 
Professeur de gérontologie à l'université de Debrecen, en Hongrie, Imre Zs.-Nagy a eu comme professeur de gérontologie expérimentale le fondateur de cette discipline, Fritz Verzár (1886-1979).

Il a publié plus de 275 articles, chapitres et livres et donné plus de 350 conférences scientifiques. Il est le fondateur (1982) et le rédacteur en chef du journal Archives of Gerontology and Geriatrics.

En 2002, il reçoit le prix de Monte-Carlo d'excellence en médecine de prévention du
vieillissement.

Il a développé l'hypothèse membranaire du vieillissement, une explication universelle compréhensible de la biologie du vieillissement à partir de laquelle la conception moléculaire de composants antivieillissement a également été possible.


Pouvez-vous décrire brièvement l'hypothèse membranaire du vieillissement et, en particulier, l'accumulation toxique de lipofuchsine avec sa conséquence première, le déclin de l'efficacité cellulaire ?


Pr Imre Zs.-Nagy :
La seconde moitié du xxe siècle a été consacrée à la recherche de théories du vieillissement dont le résultat a été très décevant. On peut réunir plus de 200 explications ou théories du processus de vieillissement. Dès les années 1970, l'opinion que toutes ces idées, sans exception, aboutissaient à une impasse s'est fondée. Une conséquence directe de cette situation était qu'aucun succès sérieux ne pourrait être obtenu par des expériences visant à prolonger l'espérance de vie ; ce qui est une preuve flagrante de l'absence de validité de ces théories.
Cette situation frustrante m'a forcé à prendre une décision nette et rationnelle : examiner uniquement les faits bien établis que nous connaissons sur le processus de vieillissement, pour éliminer toutes ces spéculations infondées et formuler une idée qui ne serait en contradiction avec aucun fait bien établi ni aucune connaissance fiable. Le résultat de cette activité de recherche est ce que l'on appelle l'hypothèse membranaire du vieillissement (HMV) qui répond à ces critères. L'HMV est en fait la seule hypothèse compréhensible du vieillissement contre laquelle aucune objection sérieuse ne pourrait être soulevée. Plus encore, sur la base de l'HMV, des interventions adaptées pourraient être mises en place pour prolonger de façon considérable la durée de vie d'animaux de laboratoire (jusqu'à même 40 %).
L'HMV est un système complexe d'idées interdisciplinaires sur les interactions physico-chimiques intracellulaires des processus inhérents de régulation qui dictent le rythme de toute l'ontogenèse, y compris de sa dernière partie qui est le vieillissement lui-même. J'ai écrit un livre (Zs.-Nagy, I., The membrane hypothesis of aging, CRC Presss, Boca Raton, États-Unis, 1994) et publié de nombreux articles sur ce problème en apportant des preuves scientifiques rigoureuses soutenant l'HMV. Dans une courte interview comme celle-ci, il n'est pas possible de présenter même une ébauche de ces idées. Je vais malgré tout essayer de lister les principes essentiels.
L'hypothèse membranaire du vieillissement part du fait bien établi que tous les êtres vivants ont, à leurs premiers stades ontogéniques, des teneurs en eau très élevées (90 à 96 % w/w) et, seul, le reste de leur masse est formé par la masse sèche. Au cours de leur développement et de leur différentiation, ils subissent une augmentation réellement considérable de leur teneur en masse sèche d'une manière tissulaire spécifique (jusqu'à environ 60 % w/w) tandis que, dans le même temps, leur teneur en eau diminue (jusqu'à environ 40 % w/w). Ce processus étant gouverné par un automatisme situé dans la membrane plasmatique cellulaire, il n'est pas stoppé lorsque l'individu biologique a atteint son niveau optimum de maturation (« performance optimale des cellules »). Par conséquent, la déshydratation continuelle des cellules devient un sérieux facteur auto-limitant, en particulier, dans le cas post-mitotique ou liés à la post-mitose. (Comme les neurones, les cellules du myocarde ou du foie, etc.) Il ne fait aucun doute que l'augmentation de la densité physique du système colloïde intracellulaire ralentit les facteurs du rythme de toutes les enzymes, y compris de celles qui sont responsables de l'expression des gènes (transcription et traduction) ou des enzymes lysosomiques qui décomposent les déchets. Dans le cas des cellules corticales du rat, par exemple, ce ralentissement peut atteindre une ampleur maximale entre les âges de 2 mois et 2 ans.

Cela explique parfaitement les pertes fonctionnelles dans chaque domaine des activités biologiques.

Dans ce processus biologique, l'accumulation de déchets (lipofuchsine ou pigment du vieillissement) est simplement un marqueur de l'état du sérieux déclin de la synthèse d'enzymes protéolytiques. Des données montrent que de jeunes cellules produisent même plus de déchets que des cellules âgées mais elles sont, par contre, capables de décomposer ces molécules jusqu'à ce que le système lysosomique puisse fonctionner de façon suffisante.

Le concept de l'hypothèse membranaire du vieillissement a été formulé pour la première fois en 1978 et, depuis cette date, sa validité a été démontrée dans de nombreuses approches expérimentales, utilisant des méthodes totalement indépendantes. Bien qu'elle ne soit pourtant pas couramment acceptée, elle gagne de plus en plus de crédit parmi les scientifiques non dogmatiques à l'esprit ouvert qui veulent comprendre le véritable processus du vieillissement. L'un des arguments les plus récents en faveur de l'HMV est le succès des expériences de clonage. Elles montrent que l'environnement physico-chimique du génome est un important facteur de régulation. Sa reconstitution aux premiers stades ontogéniques en apportant le noyau cellulaire d'une cellule somatique différenciée à un ovocyte « vidé » pourrait avoir pour résultat un individu entier nouvellement développé.

À quel moment de la vie commence ce processus de vieillissement et de quelle façon pourrait-on ralentir ou stopper son mécanisme ?


Selon l'hypothèse membranaire du vieillissement, il n'y a pas de point de départ spécifique du vieillissement, ou alors on pourrait même dire qu'il débute avec la fertilisation. En fait, la synthèse protéique très importante que l'on observe dans les premières phases de l'ontogenèse diminue continuellement au cours de la vie. Cela peut être considéré comme un ralentissement permanent du doublement de la masse des individus biologiques au cours de la période de croissance jusqu'à ce que le corps arrête complètement sa croissance et qu'ensuite le poids corporel commence à décliner (c'est particulièrement évident chez des lignées d'animaux de laboratoire comme les rats Fisher-344).

La nature elle-même a montré de quelle façon ralentir ce processus. La durée de vie moyenne d'un rat (deux ans) est environ 40 fois plus courte que celle des êtres humains (80 ans). C'est dû au fait que l'évolution a fourni une protection beaucoup plus efficace aux membranes cellulaires plasmatiques des mammifères supérieurs qu'à celles des rongeurs.
Ces idées suggèrent que la meilleure méthode pour ralentir le vieillissement pourrait être d'améliorer encore le système de protection de la membrane. Pour l'instant, nous pourrions montrer que c'est faisable chez les rongeurs, mais nous ne savons pas aujourd'hui à quel point ce sera efficace chez l'homme.

Malgré tout, nous ne voyons aucune barrière théorique à la prolongation de la durée de vie de l'homme en dehors de notre ignorance des processus fondamentaux.

Quels types de substances pourraient aider à éliminer les dépôts de lipofuchsine et améliorer le fonctionnement cellulaire ?


L'hypothèse membranaire du vieillissement nous apporte une bonne chance d'intervenir utilement contre le vieillissement. En d'autres termes, si la structure la plus vulnérable des cellules est la membrane cellulaire plasmatique, on peut essayer d'améliorer les défenses de cette structure contre des facteurs susceptibles de la léser et cela pourrait avoir un effet bénéfique sur le maintien à long terme de l'intégrité cellulaire. Cette approche est également privilégiée parce que la plupart des principes actifs peuvent atteindre la membrane cellulaire. De plus, c'est également une hypothèse très séduisante que les très grandes différences existant entre la durée de survie des différentes espèces puissent être dues aux différents niveaux d'efficacité des mécanismes protecteurs de la membrane.

Le moyen logique d'une intervention antivieillissement devrait être, par conséquent, d'augmenter le nombre d'électrons liés assez librement à l'intérieur de la membrane plasmatique, facilement accessible pour les nettoyeurs du radical libre OH•. D'abord, nous avons testé les effets et la nature de certaines substances antivieillissement disponibles liées à la membrane, comme la centrophénoxine (CPH). Cette dernière a été découverte dans les années 1960 dans des expériences sur animaux montrant qu'un traitement chronique avec cette substance diminuait la teneur en lipofuchsine de pratiquement tous les types de tissus.

L'effet bénéfique de la CPH a été démontré également dans différents essais cliniques sur l'homme. Malheureusement, ces effets bénéfiques ont été attribués à une amélioration cholinergique dans le cerveau.
Cependant cela a été prouvé être inexact (bien que de nombreux scientifiques listent encore maintenant la CPH parmi les substances cholinergiques). Il s'est avéré, à partir de mesures par résonance de spin électronique (ESR), que la partie efficace de la CPH (DMAE) protège efficacement les membranes des cellules neuronales contre les lésions induites par le radical libre OH•, réhydrate le colloïde intracellulaire et, dans le même temps, prolonge la durée de vie d'animaux de laboratoire. Son effet bénéfique a également été démontré sur les performances du cerveau humain dans des essais cliniques de deux mois réalisés sur une population âgée de 75 ans. Des applications chroniques de longue durée sont en cours depuis 1976 sur des volontaires (y compris moi-même) sans aucun effet secondaire et avec apparemment de bons résultats.
Sur la base de ces bons résultats, nous avons modifié la molécule de CPH en augmentant de 2 à 4 par molécule le nombre d'électrons liés assez librement, laissant les autres parties de la molécule intactes. Cette modification a eu pour résultat de multiplier par 1,9 le taux permanent de réaction de nettoyage du radical libre OH• et, même, d'améliorer l'effet de prolongation de la durée de vie in vivo de rats âgés (jusqu'à 40 % de la durée de vie moyenne). Cette substance n'est pas encore disponible pour des tests sur l'homme.
En conclusion, je dirais qu'il est évident que le concept de l'hypothèse membranaire du vieillissement représente de façon réaliste le processus fondamental de vieillissement et de différentiation cellulaire. On doit regarder le fonctionnement normal cellulaire comme un cycle permanent de formation, de lésion et d'élimination des composants cellulaires qui sont exposés au cours de leur vie à l'influence constante d'effets nuisibles. Pour des raisons physiques, le taux de dommages le plus élevé se produit sur les composants de la membrane cellulaire plasmatique et, par conséquent, cette structure gère le taux de synthèse protéique. Cette hypothèse explique les caractéristiques connues du processus de maturation et de vieillissement, explique le déclin lié à l'âge du renouvellement des protéines et, ce qui est encore plus important, ouvre le chemin pour des interventions pharmacologiques de prévention du vieillissement.

Zs.-NAGY Imre (Pr)
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